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astronomes, au moral comme au physique. J’ai parlé, à l’occasion des comètes, de ces passions froides qui sont plus puissantes encore que les passions fougueuses. Sans rappeler le conte de l’antiquité sur Aristote, que l’on prétend s’être jeté de dépit dans l’Euripe, parce qu’il ne pouvait pénétrer le secret des marées de ce détroit, nous avons dans ce siècle l’exemple de deux astronomes morts littéralement de chagrin pour cause de discordance dans leurs observations. Quand les astronomes sentent osciller la terre au moyen de leurs lunettes, qui semblent osciller dans le ciel étoile, on peut être assuré qu’elle oscille bien réellement et d’une manière tout à fait irrégulière. Nous retrouverons tout à l’heure ces curieuses observations, quand nous examinerons si les pôles ou pivots de la terre ne sont point ébranlés par les secousses du sol, ou si l’effet de ces commotions qui nous paraissent si fortes n’est point comme insensible par rapport à la masse entière du globe.

Ceux à qui l’on montre par la pensée un abîme de feu sous nos pieds, avec la seule épaisseur de l’écorce du globe qui nous en sépare, sont préoccupés tout de suite de la sensation de chaleur que nous devrions sentir par ce voisinage. Plusieurs auteurs ont cru que la végétation était activée par ce feu souterrain; il n’en est pourtant rien. On a cultivé un terrain placé sur une couche de glace permanente faisant glacière, et le blé y a cru comme sur un terrain ordinaire. Dans la Sibérie du nord, où le sol ne dégèle jamais, la croissance rapide des plantes dans la couche dégelée, qui n’excède pas deux mètres de profondeur, montre bien que la chaleur centrale n’est pour rien dans la cause qui produit la végétation, et qui n’est exclusivement que la chaleur solaire. La chaleur traverse rapidement les corps minces; mais quand l’épaisseur devient considérable, le passage de cette chaleur devient fort lent, même au travers des masses métalliques. J’ai vu dans les fonderies d’artillerie des blocs de cuivre qu’on venait de fondre, et qui n’avaient pas plus d’un demi-mètre en tous sens, conserver plusieurs jours leur chaleur centrale, en sorte qu’au moment même où ils semblaient assez refroidis pour qu’on pût les toucher impunément, si on les couvrait d’une substance qui arrêtât le refroidissement de la surface, ce corps posé dessus prenait feu. Je citerai encore un exemple curieux. — Des voyageurs égarés dans les hautes régions désertes de l’Etna, au milieu des poussières volcaniques, étaient tourmentés de la soif, comme cela semble naturel dans une contrée qui est le domaine exclusif des feux et des matières ignées. Un des guides, enfonçant par hasard un bâton ferré dans le sable brûlé et croulant, s’aperçoit que la pointe de fer mord dans quelque chose d’inaccoutumé : c’était une couche de neige et de glace que les éruptions du volcan avaient recouverte de matière volcanique sans la fondre entièrement, tant la chaleur envahit lentement les masses épaisses. Il est bien entendu que nos voyageurs profitèrent de l’utile dépôt respecté par les feux du dedans et du dehors de la montagne. Tous ceux qui arrivent aujourd’hui du Vésuve ne tarissent pas sur le peu d’épaisseur qu’il faut mettre entre le fleuve de feu et la chaussure du voyageur pour que celle-ci reste intacte. Fourier, d’après les notions