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que cette constitution a fait de notre globe une vaste machine électrique par le frottement des continens solides sur le noyau fluide intérieur, et que dès lors nous avons en main une cause qui peut-être rendra raison des aurores boréales et australes, si complètement inexpliquées jusqu’ici. Tout ce qu’on sait de ces brillans météores, c’est qu’ils tirent leur origine de l’électricité en mouvement, et que par suite ils illuminent le ciel en agissant sur l’aiguille aimantée, qu’ils tourmentent pendant toute la durée de leur apparition. C’est certes un phénomène bien extraordinaire que de voir un léger barreau aimanté, délicatement suspendu sous les voûtes de l’Observatoire de Paris, trembler et s’agiter aux lueurs d’un météore qui n’illumine que le nord de la Suède. Ces belles observations sont de M. Arago. Voici un fait dont j’ai été témoin. Un savant voyageur, M. Fiedler, lui parlait de ses voyages dans le Nord à la recherche des mines. — Avez-vous observé de belles aurores boréales? lui dit M. Arago. — Sans doute, lui répondit M. Fiedler, et au commencement de 1825 j’en ai vu une d’un éclat éblouissant... — Arrêtez, lui dit M. Arago, ne me dites pas la date, je vais la trouver sur mon registre d’observations de l’aiguille aimantée. Pendant la sortie de M. Arago, M. Fiedler me donna exactement la date de son aurore boréale, qui coïncidait avec le jour de la naissance de son premier fils. Sur ces entrefaites, M. Arago descendit avec son registre, et nous montra une perturbation très grande de l’aiguille magnétique au jour précis indiqué par M. Fiedler, date qu’il avait, à la demande de M. Arago, inscrite sur mon portefeuille. Ici comme partout, c’est la même remarque : si nous ne savons pas, la postérité saura.

Depuis Laplace, les mathématiciens, rebutés par les difficultés de l’entreprise, semblent avoir déserté le champ des spéculations relatives à la forme de la terre, à la stabilité des mers, à l’équilibre général ou plutôt à la constance des mouvemens de rotation du globe sur lui-même. Un jeune mathématicien anglais, M. Hennessy, me paraît être entré dans la bonne voie de l’école française et avoir posé les bases de la solution de bien des problèmes aussi importans que nouveaux. Malheureusement le nombre de ceux qui peuvent apprécier des travaux d’un tel ordre est très petit. Laplace, qui dédia à Napoléon sa célèbre Mécanique céleste, en reçut une lettre de félicitations aussi noble que profondément pensée, et qui confirme ce que je viens de dire.

De toutes les périodes naturelles, à savoir le mois lunaire, l’année solaire, les révolutions des planètes, aucune n’est fixe. Le jour seul est invariable; c’est la seule mesure exacte du temps. L’année est aujourd’hui plus courte de quelques secondes qu’au commencement de notre ère. Le mouvement de la lune est on ne peut plus irrégulier. C’est donc au jour qu’il faut tout rapporter. Or, physiquement parlant, peut-on admettre que la rotation de la terre, qui donne cette période, est tout à fait constante?

Oui, si l’on pense que dans les commotions du globe les masses qui retombent sont de très petite importance par rapport au globe entier;