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son dénoûment ordinaire. Santa-Anna s’est trouvé sans doute à bout de ressources ; de plus, il s’était fait une nouvelle querelle avec les États-Unis ; enfin sur tous les points les insurrections éclataient à la fois, et c’est probablement dans l’impossibilité de faire face à toutes ces complications qu’il quittait Mexico le 9 août ; il signait son abdication à Perote, et il s’embarquait le 17. Les troupes se sont unies aux insurgés. Le départ de Santa-Anna de Mexico était le signal des désordres les plus graves. Quarante maisons ont été pillées. Par le fait, la révolution reste maîtresse du Mexique.

Ainsi finit cette dictature de Santa-Anna, qui n’a été pour la république mexicaine qu’un assez dur régime sans nul profit. Ce n’est pas que Santa-Anna manque d’un certain instinct politique ; mais il a surtout le goût du pouvoir pour les jouissances qu’il donne. Il a tous les instincts et toutes les passions de cette nature américaine, mélange de sang espagnol et de sang indien. Ce personnage singulier était très accessible à toutes les haines et à toutes les jalousies contre l’Europe. Il n’était rien moins que favorable à l’Angleterre et à la France dans la lutte qu’elles soutiennent contre la Russie. On dit qu’un jour il avait fait le pari avec un de ses familiers que Sébastopol ne serait pas pris. La cliute de Santa-Anna a précédé celle de la ville russe. Ce sentiment d’hostilité contre l’Europe est du reste malheureusement fort répandu dans l’Amérique du Sud. Au sujet de la lutte qui tient le monde en suspens, Carrera, ce dictateur de l’Amérique centrale, ne pense point autrement que Santa-Anna. Depuis le commencement de la guerre, il a paru dans la gazette de Guatemala divers articles entièrement favorables à la Russie, et ces articles étaient l’œuvre de M. Pavon, principal ministre du général Carrera. Ce qu’il y a de mieux, c’est que les démocrates de l’Amérique du Sud nourrissent la même haine contre l’Europe ; ils partagent ce sentiment d’aversion avec les dictateurs qui se succèdent dans ces tristes républiques. Les opinions que le ministre de Carrera exprimait dans la gazette de Guatemala, les journaux radicaux de la Nouvelle-Grenade les ont exprimées. Ils sont assez ouvertement russes. Ainsi ces faibles et anarchiques populations se laissent aller à la haine la plus inintelligente contre les puissances européennes, qui seules peuvent les sauver cependant de l’invasion dont les menacent sans cesse les Américains du Nord.

CH DE MAZADE.




V. DE MARS.