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destinés à gouverner la dicte turbulente de Norrkoeping. — La protection devenait cette fois trop évidemment une menace ; le diplomate suédois s’en défendit, non sans mettre en avant divers prétextes.

Il est vrai que Paul Ier se livrait tout entier et sans feinte à ses impressions du moment. Nous ne voudrions pas affirmer qu’il fût de mauvaise foi en proposant au roi de Suède l’appui de ses finances et de ses armées, mais ne semble-t-il pas qu’il fût alors, à son insu peut-être, l’organe de cette politique russe que nous avons vue préoccupée sans cesse d’intervenir dans les affaires intérieures de la Suède, et d’attirer à soi la Finlande ? Les causes de dissensions intestines qui avaient troublé le règne de Gustave III n’avaient pas disparu sous son faible et malheureux fils ; elles avaient grandi au contraire, et la prévision, devenue presque générale, des malheurs qui menaçaient la patrie avait concouru à les développer. La Finlande en particulier pressentait évidemment ces malheurs ; la noblesse y méditait des entreprises factieuses, et ce n’était pas la première fois que de folles idées d’indépendance s’agitaient dans cette province. Paul Ier pouvait, à la vérité, craindre ce turbulent voisinage ; mais le plus sûr est évidemment que la Russie voulait en profiter, et il faut reconnaître d’ailleurs que, pour les Suédois, son excès d’amitié devait bien paraître, à peu de chose près, aussi redoutable que ses hostilités ouvertes. Gustave réduit à ne pouvoir conserver la Finlande qu’à l’aide des baïonnettes russes et le tsar traçant déjà sur la carte par quels chemins il fallait envahir et par quels postes occuper cette province, c’étaient là de terribles présages pour un prochain avenir.

Au milieu de tant d’écueils, la conduite de Gustave, nous l’avons dit, fut un modèle d’inconséquence et d’inhabileté. En 1801, quand Paul Ier se fait le chef de la neutralité du Nord, il se joint à cette ligue, mais ne fortifie pas la rive suédoise du Sund, que la flotte anglaise va traverser aisément ; il laisse bombarder Copenhague. En 1807, quand Alexandre, son beau-frère, l’invite à relever ce même drapeau de la neutralité armée et à fermer pour sa part la Baltique, il se joint à l’Angleterre et rejette avec indignation les offres qui lui sont faites. Son idée fixe, sa haine personnelle contre Napoléon, explique à elle seule toutes ces fautes. C’était le moment où l’empereur, obsédé par les intrigues de ce petit roi qu’il méprisait, avait enfin, pour écraser cette résistance, abandonné la Suède à l’avidité de la Russie ; on connaît les fameux articles secrets du traité de Tilsitt ; cette menace ne servit pas à désarmer Gustave, mais au contraire à exciter sa colère et son obstination. Pendant la nuit du 30 novembre au 1er décembre 1807, une dépêche de Stedingk lui apprit qu’il était question