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par exception, n’entrèrent pas dans le complot, les sous-officiers et même bon nombre des soldats en firent partie. Il fut convenu que l’armée de l’ouest marcherait sur la capitale, et qu’à ce signal les autres divisions lèveraient l’étendard de la révolte, pendant qu’on saisirait le roi dans Stockholm. Le duc de Sudermanie serait mis immédiatement à la tête des affaires, et la diète convoquée pour le proclamer roi et désigner un successeur à son adoption.

Mais quels étaient dans Stockholm les conjurés sur l’aide desquels comptait Adlersparre ? Dans cette ville, comme dans l’armée, dont l’opinion gouvernait les provinces, le mécontentement était général et extrême, il est vrai, et l’abdication du roi paraissait le seul moyen de sauver le pays. Toutefois les hauts fonctionnaires de l’ordre civil, les chefs de la magistrature, de l’administration et ceux du clergé n’avaient pas admis avec autant de promptitude que les militaires la pensée d’une révolution. Ils croyaient qu’il était encore possible d’amener Gustave à plier en présence du péril évident qui se dressait devant lui. Les plus respectables d’entre eux, les serviteurs dévoués qui avaient blanchi au service de Gustave III, conçurent l’espoir de faire consentir son malheureux fils à une abdication, tout au moins à une convocation de la diète, et tentèrent auprès de lui de suprêmes efforts qui servirent seulement à renouveler ces scènes étranges où se déclarait l’égarement incurable du roi, et qui annoncent, expliquent à l’avance et excusent la révolution de 1809. On comptait sur le besoin absolu d’argent pour vaincre forcément l’obstination de Gustave. « Je n’ai pas besoin de la diète, disait-il au grand-chancelier, pour faire un emprunt. — Soit, répondit le magistrat, mais votre majesté n’aura pas d’argent parce que le pays est épuisé. — Eh bien ! j’emprunterai au dehors. — Il faut en ce cas à votre majesté une garantie donnée par la diète. Il y a deux choses que votre majesté ne peut pas faire sans le concours de la diète : c’est d’emprunter au dehors, et de porter la main sur la banque, et Dieu préserve votre majesté de songer à ce dernier moyen ! — A-t-on jamais entendu parler de la sorte ? Quoi ! ma parole royale a-t-elle moins de poids que celle de votre diète ? Voilà qui est curieux ! Je sais bien ce que je ferai. Je formerai un fonds d’amortissement qui donnera confiance au prêteur… J’ai bien le droit de lever des impôts en temps de guerre, apparemment ? Le nierez-vous ? — Sire, je ne le nie pas, mais il faut que ce soit proportionnellement à chaque fortune particulière. — Oui. Le riche donnera plus, le pauvre moins… — Très bien, mais il faut que ce soit établi d’après une règle commune, non d’après le bon plaisir ni d’après une appréciation arbitraire de chaque fortune. — Soit ! je décréterai un impôt pour la guerre, non pas un impôt de rien comme le dernier ; j’en veux un sérieux cette fois ; il me servira de fonds d’amortissement pour éteindre la nouvelle dette étrangère.