Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle n’a plus la même raison d’être, depuis que les communications se sont améliorées. La charolaise tend à la remplacer, comme plus productive. Toutes les autres variétés du Bourbonnais et de la Bourgogne se fondent plus ou moins dans le même type, ce qui n’arriverait pas aussi vite, s’il s’agissait d’une espèce étrangère.

Si de l’est nous passons au centre, nous trouvons encore une réduction dans l’effectif. Cette région ne contient plus que 2 millions de têtes sur une superficie égale à celle qui en nourrit/i dans le nord-ouest, et 2 et demi dans l’est ; la nature de son sol et de son climat est cependant des plus favorables au gros bétail ; mais ici les causes économiques ont agi avec une puissance funeste. Si nous avons dans la Flandre, la Normandie, la Picardie, l’Ile-de-France, l’analogue des contrées les plus riches de l’Europe, nous avons dans les provinces du centre l’analogue des plus pauvres. Le quart de cette immense surface reste inculte et couvert de bruyères ; les trois autres sont misérablement cultivés. La terre vaut en moyenne 500 fr. l’hectare, et à ce prix elle est payée le plus souvent trop cher, non pas à cause de sa valeur propre, mais de l’état où elle est. La population, bien que peu nombreuse, car on n’y compte qu’une tête humaine par 2 hectares, et bien que composée en partie de petits propriétaires, vit dans un affreux état de misère, qui la force à demander à l’émigration des ressources supplémentaires et encore insuffisantes. D’où vient cette triste condition de tout un quart de la France, tandis qu’en Angleterre des régions absolument analogues, comme les comtés de Devon, de Nottingham, de Derby, les lowlands d’Ecosse, et en France même le Cotentin et une partie de la Bretagne, sont dans la situation la plus florissante ? De plusieurs causes qu’il serait trop long d’énumérer, mais dont la principale est le défaut séculaire de communications. Le centre n’a pas, comme le nord et le midi, un magnifique développement de côtes, de larges fleuves et de vastes plaines ; situé loin de la mer, il ne possède pas une rivière navigable, et sa plus grande partie est hérissée de montagnes naturellement impraticables. Les hommes l’ont encore plus maltraité que la nature ; pendant que le reste du territoire se couvrait de routes, de canaux, de chemins de fer, il est resté délaissé ; il a payé pendant des siècles des impôts dont il ne profitait pas ; chacune de ces vallées a été jusqu’à nos jours comme un monde à part où rien n’arrivait du dehors, et qui n’entendait parler du gouvernement central que pour lui payer tribut.

Ce déplorable abandon, qui a fait de cette région l’Irlande de la France, cesse un peu, mais il faudrait des efforts qu’on ne fait pas pour réparer complètement les torts du passé. L’amélioration marche pas à pas. Un chemin de fer vient à peine d’arriver jusqu’à Clermont ;