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Quelles que soient les causes, comment remédier à la cherté ? Le gouvernement a supprimé, comme on fait toujours en pareil cas, tous les droits perçus à l’entrée des denrées alimentaires. Cette mesure est excellente en soi, et il est bien à désirer qu’elle soit maintenue à tout jamais, car elle fait disparaître une illusion qui trompait l’agriculture française sur ses véritables intérêts ; mais elle n’a eu et ne pouvait avoir aucun effet sur le prix de la viande et du pain. L’approvisionnement d’une nation comme la nôtre ne peut lui venir que d’elle-même ; c’est ce qui est démontré aujourd’hui par les faits. On me permettra de rappeler que je l’avais annoncé d’avance, en 1850, en rendant compte dans cette Revue de la session du conseil général de l’agriculture et du commerce, dont j’avais eu l’honneur de faire partie. « il est surabondamment démontré pour nous, disais-je alors, contrairement à toutes les opinions en vogue parmi les agriculteurs, qu’il n’est au pouvoir d’aucun pays étranger d’exercer sur nos marchés une influence appréciable sur le prix de la viande. L’importation pourra satisfaire quelques besoins locaux extrêmement restreints, mais au-delà de la zone frontière, l’effet en sera complètement insensible sur l’immensité du marché national. » Ce que je disais alors, je le répète aujourd’hui, avec l’autorité d’une expérience faite dans les conditions les plus décisives, car s’il y a jamais eu avantage à introduire du bétail étranger en France, c’est aujourd’hui, à cause de la cherté.

Un remède plus efficace, le seul qui le soit véritablement, c’est le perfectionnement des communications, qui porte la demande des denrées alimentaires sur tous les points du pays et facilite partout à l’offre des moyens de se produire. Ce perfectionnement continu nous a sauvés depuis dix ans ; sans le progrès des chemins de fer et des chemins vicinaux, les crises que nous avons traversées auraient été infiniment plus graves. L’ouverture d’une nouvelle communication, même d’un simple chemin vicinal, et à plus forte raison d’une voie de fer, répare bien des maux. Ce n’est pas un des moindres fléaux de la révolution de 1848 que d’avoir paru compromettre un moment l’exécution des chemins de fer. Les principales concessions qui ont eu lieu depuis quelques années, la ligne de Lyon à Avignon, celle de Bordeaux à Cette, celle du Grand-Central avec ses embranchemens, auront des conséquences inestimables pour l’agriculture, comme pour le commerce et l’industrie des contrées traversées. Quant aux chemins vicinaux, la loi de 1831 poursuit sans relâche et sans bruit son œuvre bienfaisante ; cette loi est sans comparaison ce qui a été fait de plus utile depuis un demi-siècle pour la prospérité nationale ; elle a fait dépenser un milliard en vingt-quatre ans, et il n’y en a pas eu de mieux placé.