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alternativement, leurs partisans ont dû, pendant qu’ils triomphaient, détruire les effigies du chef du parti contraire, et tous deux ont été punis des proscriptions qu’ils décrétèrent par ces proscriptions mêmes, dont l’effet a été d’anéantir leurs images.

Ces hommes, qui ont tant détruit, n’ont rien laissé. Marius, le plus destructeur des deux, car Sylla était conservateur à sa manière, n’a pas, qu’on sache, construit beaucoup d’édifices. Sylla au contraire en avait élevé et réparé plusieurs. Il n’en reste pas trace à Rome. Il n’y subsiste de lui, comme partout, que le souvenir d’une cruauté, d’une audace et d’une fortune extraordinaires. Les monumens élevés en leur honneur ou à leur mémoire ont également péri. Le tombeau de Sylla était placé dans le Champ-de-Mars, au bord de la voie Flaminienne, aujourd’hui le Corso, et ne devait pas se trouver très loin de la place du Peuple. S’il existait, ce serait le premier monument que rencontreraient les voyageurs en entrant à Rome. Ils peuvent se consoler que leur arrivée dans la patrie de tant d’honnêtes gloires ne sont pas saluée par le tombeau de Sylla.

Près de là, dans le lieu où est aujourd’hui la place d’Espagne, s’élevait un monument en l’honneur de Marius ; ses trophées étaient au Capitole. Le monument a disparu, et je ne le regrette pas plus que le tombeau de Sylla et la tombe de Néron. On voit bien de prétendus trophées de Marius au haut de la rampe du Capitole, mais évidemment ils ne sont pas de son époque. M. Lenormant a très bien prouvé que le monument qu’ils ornaient n’a jamais eu rien à faire avec les trophées du vainqueur des Cimbres. Là était un château d’eau placé sur une ligne d’aqueducs, et l’empereur Alexandre-Sévère y avait fait construire un de ces édifices dédiés aux nymphes qu’on appelait nymphées.

Je trouve qu’il y a un certain plaisir à s’assurer qu’il ne subsiste à Rome aucun vestige de ces deux hommes. Ils instituèrent les premiers une tyrannie sanglante, mais passagère, qui ne fut surpassée que par les progrès de l’empire.

Quand on a franchi les deux noms sinistres qui planent sur cette sombre époque, l’on respire en prononçant le nom de Cicéron. N’acceptez point comme ayant jamais pu ressembler à Cicéron le buste de ce gros homme à la face pleine, aux épaules carrées, que donne pour tel le catalogue du musée Capitolin, et que vous retrouverez dans la galerie du Vatican ; mais celle-ci renferme un buste dont la ressemblance avec les médailles de l’orateur romain est frappante : tête fine et spirituelle, regard intelligent et un peu incertain, physionomie exprimant l’ardeur plutôt que la résolution. Reconnaissez ici l’image de ce bel et noble esprit que tourmentaient à la fois les petits calculs de la vanité et les généreux instincts de la gloire. De