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plus nobles et des plus agréables figures qui se puissent rencontrer. L’élévation de son intelligence, la pureté de ses mœurs, la sérénité de son âme étaient à l’unisson. Il avait à la fois la beauté physique et la beauté morale, et tout respirait en lui cette franchise et ce calme d’une jeunesse qu’aucune souillure n’a profanée. Ses premières poésies furent assez mal accueillies de la critique ; peut-être, en effet, pour la forme et la couleur y avait-il trop sacrifié un goût de la nouvelle école. Schlegel, avec lequel il était pourtant fort lié, ne vit même rien dans ces débuts qui annonçât une vocation poétique, sentence dont Arnim appela bientôt, avec quel succès chacun le sait ! Achim d’Arnim est devenu un poète national, et ses œuvres, mieux appréciées avec le temps, pénétreront de jour en jour davantage dans le cœur du peuple. »

Ces poésies d’Arnim, jugées trop romantiques, et qui, aux yeux de ses meilleurs amis, ne révélaient pas un poète, n’étaient autres que les Révélations d’Ariel. Né à Berlin le 17 janvier 1781, Arnim comptait à peine, lorsqu’il les écrivit, dix-huit ans, et déjà, avant de publier ces vers jugés trop romantiques par les romantiques eux-mêmes, il avait débuté dans le monde de la science par sa Théorie sur les phénomènes de l’électricité, imprimée à Halle en 1798. Ses longs voyages à travers l’Allemagne le mirent en communication habituelle avec le peuple des villes et des campagnes, dont il sut saisir et reproduire les différens types dans leurs variétés particulières. Si, comme on l’a dit, le peuple est le maître de langue par excellence, ce fut à son école qu’Arnim alla s’instruire et colligea tant de précieux élémens de poésie rassemblés dans le Knaben Wunderhorn[1] ; puis vinrent successivement ses divers volumes de nouvelles, ses romans et ses drames, dont le recueil parut en 1813. Il s’en faut toutefois que ces publications aient vu le jour à des distances régulières. Achim d’Arnim était d’un naturel trop impressionnable, d’une organisation trop susceptible aux fréquens orages qui bouleversaient l’atmosphère de son pays, pour pouvoir vaquer tranquillement à des travaux littéraires pendant la terrible période qui s’étend en Allemagne de 1806 à 1813. En ces jours de misères et d’affliction publique, l’écrivain disparut complètement pour ne laisser survivre que le gentilhomme qui ne connaissait plus d’autres préoccupations que celles de la patrie et du foyer. À la paix seulement, et lorsqu’il se sentit tout à fait rassuré à l’endroit de cette nationalité allemande, objet d’un si pieux enthousiasme, Arnim reprit la plume et publia les Kronenvaechter en 1817. Ce fut là son dernier ouvrage, il négligea même de l’achever. À dater de ce moment,

  1. 2 volumes, Heidelberg, 1806.