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LES EMEUTES


DU DIMANCHE A LONDRES




Le 10 avril 1848 fut une journée mémorable dans les annales de l’Angleterre, et que rappellent encore avec orgueil ceux qui y prirent part. Ce jour-là, la cause de l’ordre remporta dans les rues de Londres un triomphe aussi éclatant que paisible, et sans l’effusion d’une seule goutte de sang. La révolution de février venait de mettre le feu aux quatre coins du continent ; la traînée de poudre allumée à Paris avait fait éclater presque simultanément toutes les mines creusées sous la faible croûte de la société. L’Angleterre seule avait échappé à la conflagration générale : non pas qu’elle ne renfermât dans son sein d’aussi nombreux élémens de combustion que les autres pays, mais parce que ses institutions libres lui donnaient plus de soupapes de sûreté, parce que des réformes toutes récentes dans la législation économique avaient satisfait le peuple, ensuite parce qu’il y a dans la nature et dans le caractère des Anglais un profond, intime et invincible sentiment de personnalité qui les fait réagir contre toute influence extérieure et leur fait haïr toute apparence d’intervention étrangère dans leurs affaires domestiques. Or à ce moment-là toute tentative de révolution en Angleterre était considérée comme une importation continentale, et était sûre, de provoquer le soulèvement du sentiment national. Ce fut là l’erreur des chartistes et des rares républicains qui organisèrent la démonstration populaire du 10 avril ; ils s’appuyèrent sur l’élément démocratique étranger et sur l’élément rebelle irlandais, c’est-à-dire sur ce qu’il y a de plus antipathique aux Anglais, et leur manifestation ne fut qu’une immense farce. On avait devant les yeux l’exemple des grandes processions parisiennes où un coup