Quelle est d’un autre côté l’une de ces garanties de paix, telle qu’elle est explicitement formulée dans le protocole du 28 décembre ? Elle consiste à mettre fin à la prépondérance russe dans la Mer-Noire. Ainsi donc s’ouvrent les conférences, et dès l’ouverture des négociations M. de Buol déclare que l’Autriche accepte les conséquences des obligations qu’elle a contractées dans tout ce qu’elles peuvent avoir de plus sérieux. Les négociations se poursuivent, et en effet le cabinet de Vienne reste invariablement fidèle à la politique inaugurée le 2 décembre. Lorsque M. Drouyn de Lhuys présente un premier projet qui fixe le nombre des vaisseaux que la Russie pourra entretenir dans la Mer-Noire, M. de Buol soutient dans toute sa force le principe de la limitation. Quand le prince Gortchakof présente un plan illusoire, le ministre de l’empereur d’Autriche déclare lui-même que ce plan n’a nullement pour résultat de faire cesser d’une manière normale la prépondérance de la Russie. Jusque-là, on le voit, il n’y a aucun doute. L’Autriche est d’accord avec la France et l’Angleterre sur le sens et la portée des conditions de paix, et quant aux obligations que peuvent lui créer les éventualités futures, elle les a d’avance acceptées à l’origine des négociations. Que l’œuvre de la conférence se termine en ce moment, comme cela semblait naturel en présence du refus de la Russie de reconnaître le principe de la limitation, il n’est point de situation plus nette que celle de l’Autriche. La nécessité d’aviser aux moyens effectifs d’atteindre le but de l’alliance existe par le fait même.
Cette nécessité était claire, évidente. Maintenant l’Autriche s’est-elle affranchie de tout devoir parce qu’elle a mis au jour des propositions qui n’ont point semblé acceptables à ses alliés ? Est-elle fondée à dire à l’Angleterre et à la France, comme elle le dit : « Vous vous étiez réservé le droit d’exiger plus que les quatre garanties ; je m’étais réservé celui de ne point aller plus loin : chacun reste dans sa position, vous en poursuivant la guerre, moi en restant dans ma pacifique expectative ? » Il y a ici une double subtilité à dissiper. L’Angleterre et la France ont si peu dépassé les limites fixées par le traité du 2 décembre, que l’Autriche elle-même a sanctionné jusqu’au haut tout ce qu’elles réclamaient. Le projet mis en avant par le cabinet de Vienne était si peu dans l’esprit des stipulations formulées, qu’il créait tout un système nouveau. Nous ne parlerons pas de la seconde proposition de l’Autriche, qui consistait dans un traité direct de limitation réciproque entre la Turquie et la Russie, et qui s’est produite dans la dernière conférence de Vienne. Il serait inutile d’y insister, parce que d’un côté la Russie en déclinait le principe, et que de l’autre le gouvernement de l’empereur François-Joseph ne s’engageait pas à en faire l’objet d’un ultimatum à Saint-Pétersbourg, en sorte que les puissances occidentales seraient entrées dans une négociation où la Russie apportait un refus, et où l’Autriche n’apportait pas le poids d’obligations effectives. — Reste la seule, la vraie proposition autrichienne. On connaît cette combinaison plus ingénieuse que sérieusement efficace. Elle adoptait comme point de départ le nombre des vaisseaux russes actuellement flottans dans la Mer-Noire, et, par un système de pondération progressive, elle plaçait à côté un certain nombre de navires européens qui aurait pu s’accroître à mesure que la Russie aurait elle-même