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À la poursuite de leur ennemi vainqueur, ils l’attaquent à trois milles au-dessus de Vienne, dans un lieu que la tradition appelle Cézunmaur, et qui était, selon toute apparence, la fortification romaine connue sous le nom de mur de Cétius, Cetii murus. La bataille dure depuis l’aube du jour jusqu’à la neuvième heure, l’armée romaine et germaine est mise en pleine déroute, Macrinus est tué, Théodoric blessé. Une flèche qui l’atteint au front pénètre dans l’os et s’y fixe : son sang coule comme un déluge ; mais il défend qu’on arrache le fer de sa blessure, tant il est impatient de regagner Rome pour instruire le sénat de son désastre. Il saute à cheval, il dévore l’espace, il arrive, il entre dans l’assemblée portant au front le fer et le bois de la flèche, sanglant témoin des luttes qu’il vient de soutenir, Rome apprend par ce narrateur muet et sa propre défaite et la vigueur d’un ennemi qui sait frapper de pareils coups. « Cette aventure, nous dit le vieux récit, valut à Théodoric le surnom d’Immortel que lui donnent les Hongrois dans leurs chansons, Halathalon Detreeh. »

Du côté des Huns, quarante mille guerriers jonchaient la plaine de Cézunmaur, et dans ce nombre les capitaines Béla, Kadicha et Rewa, qui furent inhumés sous la pyramide de Kewe-Haza. Des six chefs militaires qui avaient amené les Huns d’Asie en Europe, il ne restait plus qu’Attila et Buda : Attila est proclamé roi, mais il s’associe son frère, à qui il abandonne le gouvernement des pays situés à l’orient de la Théïsse, se réservant tout ce qui a été déjà conquis et tout ce qu’il doit conquérir lui-même à l’occident de cette rivière. Il pose de sa main la borne séparative des deux états, fixe sa résidence à Sicambrie et veut que cette ville porte désormais son nom. Les rois de Germanie, que la défaite de Cézunmaur a remplis de crainte, viennent lui rendre hommage, et Théodoric à leur tête se déclare son vassal. Flatteur insinuant et perfide, Théodoric déguise sa haine sous un faux semblant d’amitié, et pousse le nouveau roi à des expéditions aventureuses où il espère le voir périr ; ainsi il lui met en tête de subjuguer par ses armes tous les royaumes de l’Europe. Attila, enflé d’orgueil, ajoute à ses titres de roi des Huns, petit-fils de Nemrod, ceux de fléau de Dieu et de maillet du monde, — flagellum Dei, malleus orbis.

L’Attila de la tradition magyare est en grande partie celui de l’histoire : basané, court de taille, large de poitrine, la tête rejetée en arrière, il porte en outre une barbe longue et touffue comme les Huns blancs et les Turks, tandis que l’Attila historique est presque imberbe comme les Finno-Huns et les Mongols. On ne lui trouve point non plus dans la fiction traditionnelle cette fière simplicité que l’histoire remarque, et qui le distinguait entre tous les Barbares de