Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/544

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

alimens liquides, des infusions de plantes salutaires ; on commença de médicamenter. On distingua ensuite quelques maladies ; on apprit que telle chose était nuisible dans tel cas, favorable dans tel autre. On tira des conclusions d’après les causes présumées, et la médecine devint peu à peu une science. Isocrate et Strabon témoignent comme Hippocrate que telle était l’opinion de l’antiquité sur la marche des premiers médecins. D’autres historiens ont justement pensé que les sciences ne commencent jamais d’une façon aussi rationnelle, et ne vont pas ainsi logiquement du simple au composé, du régime à la médicamentation. Ils ont cru que le hasard avait conduit quelques malades à essayer de se guérir avec certaines plantes ; les uns moururent, les autres guérirent, et ce qui avait paru servir aux uns fut employé, ce qui avait perdu les autres fut rejeté. Une thérapeutique se forma peu à peu, et la pathologie vint plus tard. Une dernière conjecture des historiens, et c’est à notre avis la mieux fondée, c’est qu’on s’occupa d’abord des maladies externes, des blessures. Les lésions apparentes étaient moins effrayantes que les maladies proprement dites, dont les causes intérieures échappaient aux yeux inhabiles des premiers médecins. On appliqua des plantes et des onguens sur les parties malades, et la chirurgie précéda la médecine.

Quoi qu’il en soit de ces trois opinions, il parait certain que la réflexion et le raisonnement ne présidèrent pas aux débuts de l’art médical. Dans tous les cas d’ailleurs les hommes n’auraient jamais osé tenter de guérir des maux qu’ils attribuaient à la colère céleste, et porter sur eux-mêmes une main téméraire. Les troubles de l’économie les étonnaient et les effrayaient comme des phénomènes divins, et ils s’en remirent aux dieux du soin de leur guérison. Seulement entre la Divinité et les hommes il fallait des intermédiaires, et les prêtres furent les premiers médecins.

En Égypte, où l’on cherche volontiers l’origine de toute civilisation et de toute science, il y eut dès longtemps des prêtres-médecins. Pour appuyer leur influence, ils sentirent de bonne heure le besoin de ne pas se contenter de prières et de sacrifices, et de recourir à des moyens plus humains et plus efficaces. Leur médicamentation, d’abord réduite à quelques herbes et à quelques plantes, devint peu à peu compliquée. Hérodote raconte même que les médecins égyptiens soignaient chacun une partie du corps, les uns les yeux, d’autres les bras ou le ventre, etc. Ils s’occupèrent aussi d’hygiène, et firent au pays très sain d’une terre d’abord inhabitable, où la lèpre et les ophthalmies étaient très fréquentes, et où cette dernière maladie fait encore aujourd’hui de grands ravages. Des règles très précises pour tous les cas étaient consignées dans les livres sacrés, l’Encyclopédie hermétique, et les médecins étaient obligés de les suivre, sous peine de mort. Diodore de Sicile raconte qu’on ne