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M. Hansteen fut obligé de solliciter longtemps encore à Cronstadt et à Saint-Pétersbourg la faveur qu’on lui avait accordée en Finlande. Ces vulgaires ennuis, racontés sans trop de mauvaise humeur par l’aimable et spirituel savant, ne sont pas une préface inutile au récit de ses aventures. Un trait qui distingue les fonctionnaires russes nouvellement arrivés en Sibérie, c’est la régularité d’une existence prescrite, et cette discipline servile fait souvent un étrange contraste avec la douceur naïve des colons libres et des tribus nomades. M. Hansteen avait ici un avant-goût des mœurs qu’il devait rencontrer plus d’une fois sur sa route ; son voyage de Sibérie commençait à Cronstadt.

Heureusement, à côté de ces hommes esclaves de la lettre et fonctionnant comme les rouages d’une machine, il y a en Russie une société d’élite. Ni la grâce de l’hospitalité ni les lumières de l’esprit ne font défaut à cette aristocratie brillante. M. Hansteen trouvera des familles d’un rare mérite jusqu’au fond des plus obscures résidences de la Sibérie ; on ne s’étonnera pas de l’accueil empressé qui l’attendait à Saint-Péyersbourg. Ce sont les sciences, et surtout les sciences physiques, géographiques, ethnographiques, qui, depuis le règne de Pierre le Grand, sont l’objet d’une protection marquée dans la capitale des tsars. Il s’en faut bien que la Russie se connaisse elle-même ; il lui resté encore bien des expéditions intérieures à accomplir avant qu’elle ait découvert tout ce qu’elle renferme, avant qu’elle ait fixé avec précision la géographie et l’histoire de ses provinces ; les savans qui se dévouent à cette tâche sont assurés de l’appui du gouvernement et de la sympathie des classes éclairées. M. Hansteen et M. Erman, M. Castrén et M. Hill n’ont eu qu’à se louer des hommes qui pouvaient contribuer au succès de leur voyage ; les révélations qu’ils nous donneront çà et là n’en auront que plus d’autorité, il n’y a pas trace de colère ou de déclamation dans ces calmes peintures.

Parmi les personnes qui lui fournissent des renseignemens et des recommandations de toute sorte, M. Hansteen cite les voyageurs célèbres qui avaient parcouru récemment les côtes de la Sibérie, l’amiral Wrangel, l’amiral Krusenstern, le capitaine Kotzebue, et quelques-uns des fonctionnaires supérieurs de l’administration : ici le lieutenant-général Schubert, chef de l’état-major et directeur du dépôt des cartes, là le ministre comte Speranski, ancien gouverneur de toute la Russie d’Asie à l’époque où ces possessions immenses n’êtaient pas divisées comme aujourd’hui en deux gouvernemens distincts. M. le comte Speranski prit la peine de tracer lui-même à M. Hansteen l’itinéraire qu’il devait suivre ; il lui indiqua les routes les plus sûres et lui conseilla surtout de revenir de Tomsk par les provinces méridionales, en longeant la frontière chinoise, la partie la plus belle, disait-il, et certainement la plus intéressante de toute la Sibérie. Ce premier chapitre de M. Hansteen est plein de grâce et