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facultés commettent une folie et une insolence lorsqu’elles essaient d’entrer dans une région d’où elles sont exclues. — Si au contraire le caractère de la vérité est d’être accompagnée de preuves et dégagée d’opinions préconçues, si pour l’atteindre il faut imposer silence à son cœur, calmer son enthousiasme, se mettre froidement face à face avec les faits, se défier de soi-même, n’avancer qu’avec précautions, assurer tous ses pas, douter à chaque instant, vérifier chaque observation et chaque loi, alors la foi et la vision sont des facultés dangereuses. On cesse de croire en elles, parce qu’on croit à la science. Leur autorité périt, parce que l’autorité de la science se fonde. On les rejette parce qu’on l’accepte. Il faut donc opter entre les deux principes de croyance ; ils sont si opposés, qu’ils ont exigé pour se développer des cerveaux d’espèce distincte. Les Juifs, disait saint Paul, demandent pour croire des miracles, et les Grecs, des raisonnemens. Le peuple juif a produit la religion, et le peuple grec la science. Il a fallu deux races différentes pour développer des principes de croyance si opposée.

Que dire maintenant du système qui essaie de les réconcilier et de les confondre ? Tous deux vont se retourner contre lui. Il paraîtra impie aux chrétiens, déraisonnable aux philosophes. Il ne satisfera personne et mécontentera les deux partis ; il ne se fera point d’alliés, et s’attirera deux ennemis. On trouvera qu’il a faussé la religion et dénaturé la philosophie, et il restera isolé, suspect à tout le monde, parce qu’il aura voulu attirer tout le monde à lui.

Tels sont ses inconvéniens dans la pratique : combien plus grands seront ses inconvéniens dans la théorie ? M. Jean Reynaud n’a pas une seule raison pour lui et les a toutes contre lui. Tous les soutiens lui manquent, il a pris soin de les détruire tous l’un par l’autre. Son système se tient en l’air, prêt à tomber de tous côtés. Veut-il s’appuyer sur la tradition et sur la foi ? Il leur ôte l’autorité, puisqu’il les corrige d’après les découvertes de la science. Veut-il s’appuyer sur la raison et sur l’expérience ? Il leur ôte l’autorité, puisqu’il admet sans les consulter un dogme qu’elles n’ont point fondé. Se fie-t-il à la révélation ? Non, puisqu’il la subordonne à l’astronomie. Se fie-t-il à la science ? Non, puisqu’il ne l’emploie qu’à modifier la révélation. Toute la puissance et tous les droits d’une doctrine lui viennent de la faculté qui la fonde. Si vous acceptez le dogme sans la faculté, la conséquence sans le principe, quel droit et quelle puissance auront vos doctrines ? Il ne vous restera qu’une série de conséquences sans principes, de dogmes sans autorité, et d’assertions sans preuves. Vous aurez voulu construire une religion et une philosophie, et vous n’aurez fabriqué qu’un roman.

Prenons un exemple : les âmes, dites-vous, ont vécu avant leur naissance dans d’autres mondes, et les fautes qu’elles y ont commises