Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/693

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces considérations nous expliquent pourquoi M. Straus-Durckheim n’a point donné de place dans son ouvrage aux preuves que l’astronomie et la physique générale du globe fournissent en faveur de l’existence de Dieu. Le hasard semble encore avoir une trop large part dans ces actions combinées de la pesanteur, des fluides impondérables et des corps bruts. Dans la physiologie, rien n’est régi par cette fatalité apparente. Il a pu exister, et il a existé en effet, des astronomes, des physiciens, des chimistes athées, mais comment eût-il pu y avoir des naturalistes capables de nier la Divinité, quand toute l’anatomie comparée, fondement de la zoologie, repose sur ce principe, toujours vérifié, qu’il n’y a pas d’organe sans objet et pas de disposition fonctionnelle qui ne réponde à sa fin ? L’auteur s’est donc borné à nous raconter les merveilles de la création animale et à poursuivre l’étude des lois qui mettent le plus en évidence l’intelligence qui y a présidé.

Comme la Théologie de la Nature ne s’adresse point aux savans de profession, la forme même sous laquelle ce livre a été conçu a une certaine importance. Un pareil livre devait être écrit avec une clarté, une simplicité, une méthode qui empêchassent le lecteur de s’égarer au milieu d’un dédale de faits qui demandent des études anatomiques sérieuses et attentives pour être bien saisis. Malheureusement ces qualités font défaut à M. Straus-Durckheim. Il n’a ni cette facilité de style, ni cette aisance d’exposition, ni cette vivacité d’argumentation qui plaisent et entraînent à la fois. Il s’est contenté de grouper consciencieusement ses observations et de les enchaîner par une logique un peu lourde. Au lieu de condenser et de systématiser les faits qu’un vaste savoir zoologique tenait à sa disposition, il s’est bien souvent perdu dans des détails physiologiques plus propres à figurer dans un traité d’anatomie comparée que dans une philosophie de la nature. De là des chapitres d’une étendue fatigante, où l’auteur examine les causes premières et leurs effets immédiats, et conclut l’existence de Dieu de considérations générales sur l’organisation des êtres vivans et sur celle des vertébrés en particulier. Il y a là la matière de douze chapitres qui n’en forment cependant que trois occupant le tome premier. Le second volume comprend deux sujets tout à fait distincts : d’abord la continuation des considérations générales sur le règne organique destinées à démontrer l’existence divine, puis un examen critique des cosmogonies religieuses. M. Straus change alors tout à coup de marche et de méthode. Il quitte les enseignemens de la nature pour entrer dans une voie plus périlleuse et plus hasardée. Poussé par le vent de la spéculation, il finit par aborder sur une terre où le naturaliste perd toute la supériorité due à ses connaissances positives.

M. Straus passe en revue les théogonies des Chaldéens, des Perses, des Égyptiens, des Grecs, avec une érudition supérieure à celle qu’on est accoutumé à rencontrer chez les naturalistes de profession ; mais on reconnaît tout de suite, malgré son savoir, l’homme qui n’est plus sur son terrain. Il en est resté aux idées qui avaient cours il y a vingt années, il est demeuré étranger à tous les progrès accomplis depuis par la critique en mythologie et en histoire. Moïse est toujours pour lui un épopte des mystères de l’Égypte, et les Grecs sont les élèves des Égyptiens. Les mystères ont gardé à ses yeux leur haut enseignement ésotérique, bien qu’ils se réduisent, pour la science contemporaine, à des solennités symboliques secrètes, dans lesquelles certaines