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sociétés bibliques, propagande protestante, elle a l’appui du sentiment national et mérite la reconnaissance de tous les protestans de toutes les églises, reconnaissance qui ne lui a jamais fait défaut. Dans certaines questions importantes de dogme et même de discipline, elle peut même compter sur l’appui des ministres dissidens contre ses ennemis rationalistes et infidèles. C’est ainsi (pour prendre un exemple) que lorsqu’il y a deux ans s’éleva la question de savoir si le palais de Sydenham serait ouvert le dimanche au peuple, les ministres des sectes dissidentes tonnèrent non moins vivement que les évêques anglicans en faveur de la stricte observation du dimanche. On put voir dans Londres des affiches par lesquelles les ministres baptistes recommandaient à leurs fidèles de s’abstenir soigneusement de prendre part à ces divertissemens et aux réclamations des meetings. Les intérêts de l’aristocratie et de la monarchie elle-même sont intimement liés à la conservation de l’église. Enfin le clergé possède une force immense dans le monde des femmes : dames patronesses, comme on dirait chez nous, occupées de bonnes œuvres, et vieilles misses opulentes employant leur fortune et leurs nombreux loisirs à envoyer au Congo des missionnaires anglicans, ou à former des ragged schools et autres institutions de charité, dont le gouvernement passe entre les mains du clergé. On a beaucoup parlé de l’influence que la confession donnait au clergé catholique ; mais cette influence est une influence indirecte, et je crois qu’elle est fort contrebalancée par la puissance que la charité féminine donne au clergé anglican. Ce clergé n’a pas dédaigné non plus certains moyens jésuitiques qui ne manquent jamais leur effet sur l’imagination féminine, et c’est ainsi que les protestans austères ont eu à gémir bien des fois, dans ces dernières années, sur les pratiques papistes qu’introduisaient dans le culte certains ministres, altérations de la liturgie, chants profanes, luxe extérieur, fleurs et parfums ou autres sensualités mystiques. Enfin les dames anglaises écrivent beaucoup, et beaucoup d’entre elles ont un sentiment anglican très prononcé.

C’est à cette catégorie qu’appartient miss Yonge, l’auteur de deux romans qui ont obtenu un certain succès dans ce monde, très nombreux en Angleterre, qui s’occupe de quintessences religieuses, et qui aime à mêler la pratique du monde à la dévotion. Le ton de l’auteur est très calme, pourtant il est aisé de voir qu’elle n’est pas indifférente aux questions qui s’agitent autour d’elle ; il est douteux seulement qu’elle les comprenne toujours parfaitement. Çà et là éclatent des paroles assez vives contre les écrivains du jour. Il y a dans l’Héritier de Redcliffe quelques mots légèrement hautains contre Charles Dickens et ses tendances : « Oui, dit avec un certain dédain un des personnages du roman, ces livres ouvrent à l’esprit de