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religion catholique n’est cependant pas dramatique, et c’est au protestantisme que cette épithète revient de droit. La confession, l’assistance habituelle du prêtre font bien vite cesser le drame dès qu’il se présente dans la vie, car il n’y a pas drame là où il n’y a pas lutte, combat, passion, là où la paix du cœur est conquise trop facilement. C’est la raison pour laquelle il n’y a point de roman religieux dans les pays catholiques, et en généralisant davantage, on pourrait dire que c’est la raison pour laquelle le roman est de sa nature essentiellement protestant.

Nous avons saisi cette occasion de dire quelques mots sur la situation présente de l’église anglicane, le travail des esprits en Angleterre et le mouvement religieux qui s’y opère ; nous n’avons pas à porter de jugement sur de tels faits, à les approuver ou à les condamner : nous devons nous borner à les constater. Un étranger surtout, lorsque ses opinions ne sont pas directement intéressées, doit s’abstenir de prendre parti pour ou contre des événemens douteux, dont l’issue est incertaine, et qui, s’ils font quelque bien, peuvent faire aussi beaucoup de mal. Il en est de l’église anglicane comme de l’aristocratie : l’une et l’autre ont commis des fautes, c’est possible ; mais au fond, aujourd’hui qu’elles sont attaquées, sont-elles pires qu’il y a cent ans, alors qu’elles exerçaient un pouvoir sans contrôle, et qu’aucun audacieux (si ce n’est quelque philosophe dont la voix s’éteignait dans le désert des écoles savantes, et dont nul ne s’occupait, à l’exception de deux universités) n’osait les contester ? Certainement non. Il est évident que la masse du clergé est sinon plus convaincue et plus pieuse, au moins plus tolérante, plus éclairée, plus instruite qu’autrefois ; il n’est pas douteux que l’aristocratie soit plus humaine, que ses mœurs se soient améliorées. Certes, pris individuellement, un gentleman anglais d’aujourd’hui est infiniment préférable à quelqu’un de ces grossiers squires pleins de passions, de préjugés et de haines qui siégeaient au parlement dans les derniers siècles. Toutefois nous ferons deux observations. La première est celle-ci : les institutions sont souvent moins menacées par les fautes des hommes qui les représentent que par l’esprit de la nation chez laquelle elles sont établies. L’histoire anglaise en particulier est pleine d’exemples qui prouvent cette vérité. Il y a eu des époques de grande corruption parmi l’aristocratie anglaise ; jamais cette corruption n’a jeté sur elle aucune défaveur, tandis qu’aujourd’hui elle est plus morale et se voit beaucoup plus attaquée. C’est que l’institution aristocratique répondait beaucoup mieux alors qu’aujourd’hui à l’esprit général de l’époque. En outre l’aristocratie pouvait être corrompue, elle était vigoureuse et fournissait de génération en génération une douzaine d’hommes de