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Parmi ces écrits, il en est toutefois dont il importe peu de s’occuper : ce sont les articles de politique étrangère ou intérieure qu’il aimait à envoyer aux journaux, uniquement sans doute pour satisfaire la fiévreuse activité dont il ne pouvait secouer l’influence. « C’est étrange combien il faut que je veille sur moi, écrivait-il en 1844, à l’âge de cinquante-neuf ans; dès que j’en ai fini avec l’excitation d’un grand tableau, si je n’entreprends pas immédiatement une nouvelle œuvre, je suis sûr d’avoir une explosion littéraire. » Sans nous arrêter aux milliers de pages que devait produire une machine aussi infatigable, nous arriverons tout de suite à la portion des écrits de Haydon qui touchent directement à l’art. Ces écrits sont au nombre de trois ou quatre : les Discours, un Essai sur la Peinture, enfin des Notes sur l’Art grec et sur l’Encouragement des artistes par l’état.

Les Discours de Haydon eurent un succès qui n’a pas lieu de nous étonner. Sa verve de manières et sa facile hardiesse lui permettaient de parler avec grand effet devant de vastes réunions d’auditeurs. Tout ce qu’il possédait de supériorité était d’ailleurs d’une qualité populaire; il se rapprochait assez du degré d’intelligence qui se rencontre dans les vastes assemblées pour ne pas être exposé à choquer ou à dérouter les idées reçues. Semblable à la brebis qui marche en tête du troupeau plutôt qu’au berger, il était de ceux qu’on suit moins par respect que par sympathie. Les questions d’art, dans ces Discours, sont mêlées à nombre de matières étrangères, et elles sont traitées, on le devine assez, dans le style à effet, ad captandum. Pour un tempérament aussi excitable et aussi avide de paraître, la présence d’un vaste auditoire était comme un breuvage enivrant. Elle ne pouvait qu’ajouter à l’impétuosité et à la diffusion d’un esprit déjà trop vagabond et trop peu porté à s’arrêter pour peser et mesurer. Nous ne tenterons pas de passer au crible ces morceaux, afin d’en extraire les notions esthétiques de Haydon. C’est dans un autre travail qu’on a la meilleure chance de trouver la somme de son savoir en fait d’art, autant qu’il a pu se dégager. Nous voulons parler de son Essai sur la Peinture, qui, dans le principe, avait été écrit pour la septième édition de l’Encyclopedia britannica, et qui fut jugé assez remarquable pour être réimprimé (1838) en un volume séparé.

En abordant ce travail, on s’imaginerait volontiers que l’écrivain va donner tout ce que son esprit renferme, et apporter à sa tâche tout le jugement et la gravité dont il est capable. C’était le cas, ou jamais, pour lui de se recueillir, de considérer, de réunir ses données et de les vérifier, car c’était assurément dans une telle occasion qu’il était tenu de parler de l’art en termes mesurés et nourris. Un