Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/910

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gibets tout autour de la ville, et après environ une centaine d’exécutions, le mal fut arrêté.

« Dans la maison que j’habitais, sur trente-huit personnes, il ne s’en est sauvé que quatre. Huit cents périrent dans la prison civile, douze cents dans l’hôpital général. Dans un grand nombre de couvens, qui contenaient chacun quatre cents personnes, il n’en est échappé aucune. L’ambassadeur d’Espagne a péri avec trente-cinq domestiques... Heureusement le roi et la famille royale étaient à Bélem, à une lieue de la ville. Le palais du roi dans la ville s’écroula à la première secousse, mais les habitans du pays assurent que le bâtiment de l’inquisition fut renversé le premier. Quelques-unes des grandes villes commerçantes sont dans une situation encore pire, s’il est possible, que Lisbonne. La durée totale du tremblement de terre, après le premier choc, qui fut le plus destructeur, fut de cinq à sept minutes. » En y comprenant les personnes qui périrent dans les environs, le nombre des morts est porté à soixante mille.

En général, la durée de la secousse ne dépasse pas deux minutes, et ordinairement elle est beaucoup moindre; mais la secousse principale est suivie pendant plusieurs jours, et même pendant plusieurs semaines, d’agitations plus faibles. Les tremblemens de terre de la Calabre, dans le siècle dernier, durèrent un grand nombre d’années consécutives, et il existe dans le nord de l’Irlande une localité où chaque jour le même phénomène se renouvelle. Suivant MM. de Humboldt et Boussingault, en ne prenant que l’Amérique seule, il n’est point de jour où la terre ne soit agitée de ces convulsions si curieuses, en sorte qu’en réalité l’état de mouvement perpétuel est l’état normal de la surface de notre globe.

Ce n’est point seulement aux hommes et aux êtres vivans que les tremblemens de terre font ressentir leur influence. Leurs effets destructeurs bouleversent souvent l’aspect d’un pays en faisant crouler des montagnes escarpées, soulevant le sol en collines ou le déprimant en vallées, ou le sillonnant de fentes larges et profondes qui ont plusieurs centaines de lieues, changeant le cours des rivières, les interceptant, ou tarissant les anciennes sources pour en faire naître de nouvelles. L’antiquité et les âges modernes nous fournissent des faits par centaines, et les poètes ont célébré ces catastrophes en vers aussi beaux que le sujet était redoutable. Ovide, Lucrèce, Stace, Sénèque, Ammien Marcellin et tous les chroniqueurs sont pleins de curieuses observations sur ces météores. D’année en année, les tremblemens de terre achèvent de renverser les colonnes de Palmyre et de Balbeck, que la fureur des hommes avait épargnées. On a remarqué qu’en général les constructions gothiques avec leurs arceaux et leurs arêtes saillantes et leurs compartimens voûtés à petite portée résistent mieux aux tremblemens de terre que les édifices grecs. La plupart des constructions chrétiennes bâties au moyen âge à côté des basiliques grecques qui avaient déjà résisté aux secousses du sol leur ont survécu. Dans l’ouvrage de Durand sur l’architecture, ouvrage où tous les édifices sont dessinés sur une même échelle, on est étonné de la petitesse comparative des édifices fameux de la Grèce. C’est que l’instabilité du sol ne permettait pas d’atteindre de plus grandes dimensions. Le temple de Thésée à Athènes, mis à côté de l’immense basilique de