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LE DUC


DE SAINT-SIMON


SA VIE ET SES ÉCRITS[1]





On trouve dans les histoires les hommes

peints en beau, et on ne les trouve pas tels qu’on les voit.» (MONTESQUIEU.)





C’est le triste privilège des temps de décadence que le génie des historiens moralistes et des peintres du cœur humain s’y déploie avec une grandeur et un éclat incomparables. On dirait qu’une loi providentielle a pris soin, pour que la leçon du passé profite aux générations à venir, d’évoquer, à ces époques solennelles, près des sociétés qui se dissolvent ou des empires qui s’écroulent, d’inévitables témoins chargés d’étudier les maux qui les rongent, et de dénoncer aux sévérités de l’histoire les crimes qui les ont souillés ou les fautes qui les ont fait périr. Lorsque Rome, sortie à peine des convulsions de la liberté mourante pour entrer dans le repos du despotisme, fut devenue l’opprobre et l’effroi du monde après en avoir été l’admiration, l’année même où Néron s’asseyait sur le trône des césars. Tacite venait de naître. En des temps bien différens, mais à l’heure précise où la puissance de Louis XIV s’affaisse sous son propre poids, où la monarchie, parvenue à l’apogée de la grandeur, entre tout à coup dans son déclin et commence à glisser sur la pente qui conduit aux abîmes, il se rencontre un homme qui, dans une

  1. Cette étude a été couronnée par l’Académie française dans sa séance annuelle du 30 août.