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fort mal reçu du gouvernement autrichien, si l’on essayait de lui démontrer que ses sacrifices séculaires pour assujettir l’Italie n’ont pas moins nui à l’Autriche elle-même qu’au peuple vaincu ; rien n’est pourtant plus évident, l’histoire à la main : elle a perdu par la guerre sur son propre sol plus d’hommes et de capitaux qu’elle n’en a gagné sur le sol voisin.

En attendant que la paix et la justice règnent parmi les hommes, ce qui ne paraît pas près d’arriver, sortons de l’Europe et voyons où en est l’agriculture dans les autres parties du monde. Nous n’apercevons que quelques points épars habités et cultivés, le reste est le royaume de la solitude. Commençons par ce qui nous touche le plus, les possessions françaises, et en particulier la plus proche, la plus grande et la plus récente de toutes, l’Algérie.

L’exposition de ses produits a été arrangée avec un art coquet par les soins du ministère de la guerre ; elle aurait pu, à beaucoup d’égards, se passer de cette parure. La culture fait décidément des progrès dans cette coûteuse colonie, et il commence à en sortir autre chose que les envois du jardin d’essai, si habilement dirigé par M. Hardy. En sus de sa propre consommation, l’Algérie en 1854 a exporté 1 million d’hectolitres de blé, 500,000 hectolitres d’orge, 2 millions de kilos de farine, près de 3 millions de kilos de pain et de biscuit. En soi, c’est encore bien peu ; mais quand on songe qu’elle tirait il y a peu d’années son pain de l’étranger, on ne peut méconnaître un grand pas. Les échantillons de ses blés et de ses farines sont les plus beaux peut-être de l’exposition ; il y en a à la fois de blé tendre et de blé dur, mais le blé dur l’emporte, au moins pour le nombre, comme plus approprié au climat, et il ne faut pas s’en plaindre, car la farine qui en provient est plus nourrissante, et elle a une valeur spéciale pour la confection des pâtes alimentaires. De plus, il est bien constaté que la récolte du froment s’y fait dès le commencement de juin, ce qui lui donne une grande avance sur la nôtre, et permet de satisfaire des besoins pressans, quand les greniers de la mère-patrie commencent à s’épuiser.

La production actuelle du froment en Algérie est d’environ 5 millions d’hectolitres ; le blé tendre n’y figure que pour 200,000, ou pour un vingt-cinquième environ, il est presque tout entier obtenu par les colons ; le blé dur au contraire est presque tout récolté par les indigènes, ce qui donne la proportion entre la culture européenne et la culture arabe ; la première est à la seconde comme un à vingt-cinq. Les deux réunies s’appliquent tout au plus à un million d’hectares, ou au quarantième de la surface totale. Malgré cette exiguïté, la colonie française d’Afrique présente déjà une variété au moins égale à celle de la France elle-même. Outre leurs blés et leurs