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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1188

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L’Autriche sera obligée de donner aux Valaques des droits égaux à ceux des autres nationalités ; mais ils sont dans un abaissement complet. »

Le général Lüders n’était pas le seul à s’exprimer avec cette franchise : un autre général russe trouvait que la facilité avec laquelle l’armée d’intervention avait vaincu diminuait infiniment l’importance du triomphe. Le général Dannenberg était un homme d’une grande instruction, d’une conversation pleine d’attrait, et du commerce le plus agréable et le plus doux. Son langage, avec les formes les plus réservées, était dans le fond d’une hardiesse qui se plaisait à aborder les questions de philosophie ou de religion les plus délicates. Il n’occupait pas à cette époque le rang dû à ses services et à son mérite, et il passait pour avoir encouru la disgrâce de l’empereur Nicolas ; mais rien dans son langage ou dans son attitude ne sentait l’aigreur, et son mécontentement ne se devinait qu’à une tristesse douce et à la fine ironie qui était un des attraits de sa conversation. Quant au général Niépokoëtchinski, il était entré connue capitaine en 1848 en Valachie ; ses talens comme officier d’état-major lui avaient valu un rapide avancement, et il avait été fait général à la mort de Skariatin, tué près de Cronstadt.

À cette date, Fuad-Effendi était parti pour Constantinople, où il allait remplir les fonctions de conseiller du grand-vizir, qui équivalent à celles de ministre de l’intérieur ; il quitta les principautés après avoir grandi en influence, mais avec une santé profondément altérée. Fuad-Effendi avait perdu ce charme qui attirait et commandait la confiance, et qui avait disparu avec les espérances qu’il avait fait naître et les honneurs dont il avait été comblé. Il fut remplacé par Achmet-Vefyck-Effendi, l’un des hommes les plus distingués et l’un des esprits les plus fermes que nous ayons rencontrés. Le muchir de Roumélie quitta la Valachie peu de temps après Fuad-Effendi pour se rendre à Constantinople, où il était appelé et où on devait lui confier le commandement de l’armée destinée à opérer en Bulgarie et en Bosnie. La situation de ces deux provinces appelait la plus sérieuse attention de la Porte-Ottomane. Avant de suivre Omer-Pacha sur un nouveau théâtre, nous devons reprendre les choses de plus haut.


II

La Bulgarie a été un royaume indépendant avant de tomber sous la domination ottomane, et malgré la division en pachaliks, au moyen de laquelle la Porte facilitait l’administration en même temps qu’elle brisait l’unité des pays conquis, cette province a conservé une homogénéité qui tend chaque jour à se fortifier et à se développer.