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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1228

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qu’on y mette la main. La substance tourbeuse est en effet tellement molle et tellement sensible, qu’elle garde l’empreinte de tout ce qui la touche. Il est à observer que ces pains de tourbe présentent alors un volume beaucoup plus considérable que celui auquel plus tard ils se trouveront réduits en séchant.

Aux travaux d’extraction de la tourbe succèdent les procédés de dessiccation. C’est ici une partie importante de l’industrie qui nous occupe. Au moment où elle sort de terre tout imbibée d’eau, la tourbe est absolument impropre aux usages du foyer. Cette matière molle semble prendre par la dessiccation une nouvelle nature, elle devient un combustible. Il existe une méthode pour atteindre ce résultat. Nous avons laissé les morceaux de tourbe trempés d’eau s’accumuler sur le champ de travail ; dès qu’ils ont acquis assez de consistance pour être maniés, ils sont disposés avec un art singulier, de manière à recevoir de partout les rayons du soleil et l’influence du vent. Les ouvriers forment des piles, en ayant toujours soin de poser une tourbe en largeur sur deux tourbes en hauteur, à peu près comme le mouleur place les briques et les expose à l’air avant de les cuire. Le chantier présente alors des rangées de carreaux symétriques, coupés par de petits sentiers dans lesquels marchent des femmes et des enfans qu’on emploie volontiers à cette besogne. On déplace ensuite plusieurs fois chaque morceau de telle sorte que l’air puisse jouer librement sur toutes les surfaces de la tourbe. Quand les mottes d’en haut commencent à sécher, on les pose en bas, et on relève celles que le contact avec la terre met dans une situation moins propice pour acquérir les propriétés inflammables. Si le vent souffle de l’est ou du nord, les tourbes se dépouillent encore assez vite de l’humidité qui leur est inhérente ; mais si le ciel est pluvieux, comme il arrive trop souvent au mois d’avril et de mai, il apporte un obstacle à la confection de cette matière terreuse. On a vu sous des pluies trop prolongées se détruire ainsi l’espoir d’une abondante récolte industrielle[1].

Lorsque, après avoir ôté plusieurs fois maniés et déplacés, ces

  1. Les inconvéniens de la dessiccation en plein air ont depuis longtemps frappé les économistes. On s’est demandé s’il ne vaudrait pas mieux sécher les tourbes dans un endroit couvert. Des essais ont été dirigés dans ce sens ; mais jusqu’ici les résultats obtenus n’ont point été concluons. Nulle part mi n’a pu délivrer complètement la tourbe de l’humidité qui la pénètre. Quelques-uns des établissemens fondés pour la raréfaction de ce combustible ont eu recours à des procédés techniques. On comprimait la matière tourbeuse dans des moules pourvus de trous ou de petites rigoles ; mais en la traitant ainsi on perdait considérablement de parties fines, ligneuses, auxquelles l’eau était mêlée, et qui s’écoulaient avec elle. Dans le Hanovre, on sacrifie ainsi jusqu’à 65 pour 100 de la base calorifique. Pour obvier à cet inconvénient, il est nécessaire de renfermer la substance tourbeuse dans des toiles de pression.