aquatiques, avides de naître, comme disaient les anciens, ont dû peupler la solitude de ces étangs, où rien ne s’opposait à leur croissance. On peut se faire une idée de celle profusion sauvage par ce qui se passe encore sous nos yeux. Dans certains fossés, l’eau est recouverte d’une croûte de mousse, véritable forêt microscopique. Celle mousse a même été en Hollande l’objet d’un commerce productif ; on l’enlevait sur des bateaux, et on la vendait aux étrangers[1]. Les eaux, purgées de cette surface verdâtre, ne tardaient point à se couvrir en quelques semaines d’une végétation renaissante, et on pouvait recommencer ce travail plusieurs fois dans un été. Aux mousses s’ajoute la population non moins exubérante des roseaux et des joncs, qui forment de véritables bois. Nettoyer les eaux est pour les propriétaires des polders une occupation continuelle et une charge. Si maintenant cette richesse végétale éclate si abondante en dépit de la main de l’homme, qu’était-ce, nous le demandons, lorsque les eaux, abandonnées à elles-mêmes, jouissaient d’une tranquillité qui n’existe plus ? Non-seulement la présence de l’homme détruit les plantes parasites des marais, mais elle détruit encore les circonstances au milieu desquelles ces plantes aiment à se développer. La navigation et la pêche ont changé les conditions de la nature, autrefois libre de ses actes.
Quoique les tourbières basses soient toutes nées dans les lacs ou les étangs, il existe divers systèmes de formation, selon la profondeur des eaux et selon le personnel de la flore aquatique ou marécageuse. Dans les eaux basses ou peu profondes, la tourbe s’est engendrée directement de la décomposition des joncs, des roseaux et des mousses. Dans les eaux profondes, le travail de formation a été nécessairement plus compliqué. Des plantes submergées à hautes tiges (parmi lesquelles le nénuphar) ont commencé par élever leurs larges feuilles à la surface des lacs tranquilles. En mourant à la fin de l’automne, ces plantes sont tombées au fond de l’eau, où elles ont formé peu à peu une couche de débris végétaux. Quand cette couche fut imprégnée de racines, elle devint plus légère que l’eau, se souleva, et gagna alors la surface du lac[2]. Un gazon flottant naquit sur ce sol flottant. Les roseaux et les joncs s’y développèrent. Le fond primitif dm lac ou du marais se trouva ainsi transformé en un pré, sur lequel croissait une herbe abondante. C’est alors que les plantes ligneuses parurent. La mousse couvrit la terre, et ajoutait chaque année une couche à la formation de la tourbe. Avec le temps, s’élevèrent les