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Il eût donc mieux valu ne pas amalgamer ce que de telles incompatibilités séparent et élaguer cet élément disparate de la liste des lauréats. À plus forte raison eût-il été de bon goût de n’y pas comprendre, comme on l’a fait, des personnes absentes du concours.

On voit, quels sont les points faibles des expositions. Les uns sont inhérens à l’institution même, les autres peuvent être atténués. Et pourtant, malgré ces imperfections inévitables, les expositions ont désormais une place assignée dans le régime de l’industrie. Voici un demi-siècle qu’elles se succèdent avec une faveur qui ne s’est pas démentie et un empressement de plus en plus vif. Depuis cette modeste exposition de l’an VI, qui ne compte que 110 noms inscrits, jusqu’à celle de 1855, qui en a réuni près de 21,000, il n’y a pas eu, quelles que fussent les circonstances politiques ou industrielles, un seul jour de déclin dans ces solennités du travail. Quelquefois la progression est lente, mais elle se maintient néanmoins. En 1806, on compte 1,422 exposans,1,500 en 1819, 1,695, en 1827, 2,447 en 1834, 3,281 en 1839, 3,000 en 1844, 4,500 en 1849. Puis viennent les deux expositions universelles avec 14,837 exposans pour Londres et 20,700 pour Paris. Ce sont là des chiffres significatifs, et ce qui ne l’est pas moins, c’est le goût croissant du public pour ce genre de spectacle. Il était à craindre qu’après en avoir joui à titre gratuit dans les expositions précédentes, il ne se montrât moins empressé à en jouir à titre onéreux ; la modicité de la rétribution a écarté cet obstacle, et la vogue s’est maintenue pour l’exposition de 1855 depuis le jour de l’ouverture jusqu’à la clôture du palais.

Ce succès s’explique ; outre l’attrait qui s’attache à une collection aussi brillante, il y avait là pour la foule une occasion de mieux connaître les objets qui défraient ses besoins habituels, et pour les hommes spéciaux un sujet de réflexions et d’études. Rien de plus profitable à l’avancement de l’industrie. Non-seulement les manufacturiers convient alors le public à les juger, mais ils se jugent entre eux et avec une sûreté de coup d’œil que rien n’égale. S’il y a quelque part, dans cet ensemble un peu confus, une supériorité qui se cache, un procédé nouveau, un produit marqué d’un caractère particulier, croyez qu’ils seront bientôt signalés par un témoignage irrécusable, l’attention des hommes du métier, quelquefois même leur jalousie. C’est un contrôle mutuel et une mutuelle justice ; c’est en même temps une école où les faibles s’instruisent à l’exemple des forts et dont les uns et les autres cherchent à tirer quelque profit. Les ouvriers, bons arbitres aussi, viennent à leur tour s’y éclairer, et s’il y a dans l’exécution manuelle quelques perfectionnemens, ils ne sont pas des derniers à les apercevoir et à se les approprier. Ainsi s’élève la portée de ces expositions ; l’objet en évidence n’est rien