avant la mort du roi, elle avait remis ses enfans à sa garde. Cette marque de confiance lui avait enflé le cœur ; il conçut des espérances qu’il fit trop paraître et qui finirent par offenser la reine, et, pour comble d’inconséquence, il se mit à porter publiquement les chaînes de la belle et décriée duchesse de Montbazon. D’ailleurs Beaufort n’était pas même l’ombre d’un homme d’état : peu d’esprit, nul secret, incapable d’application et d’affaires, et capable seulement de quelque action hardie et violente. La Rochefoucauld nous le peint ainsi : « Le duc de Beaufort étoit celui qui avoit conçu de plus grandes espérances ; il avoit été depuis longtemps particulièrement attaché à la reine. Elle venoit de lui donner une marque publique de son estime en lui confiant M. le dauphin et M. le duc d’Anjou un jour que le roi avoit reçu l’extrême-onction. Le duc de Beaufort, de son côté, se servoit utilement de cette distinction et de ses autres avantages pour rétablir sa faveur par l’opinion qu’il affectoit de donner qu’elle étoit déjà tout établie. Il étoit bien fait de sa personne, grand, adroit aux exercices et infatigable : il avoit de l’audace et de l’élévation, mais il étoit artificieux en tout et peu véritable ; son esprit étoit pesant et mal poli ; il alloit néanmoins assez habilement à ses fins par ses manières grossières ; il avoit beaucoup d’envie et de malignité ; sa valeur étoit grande, mais inégale. » Retz n’accuse point Beaufort d’artifices comme La Rochefoucauld, mais il le représente comme un présomptueux de la dernière incapacité : « M. de Beaufort n’en étoit pas jusqu’à l’idée des grandes affaires, il n’en avoit que l’intention ; il en avoit ouï parler aux Importans, et il avoit un peu retenu de leur jargon, et cela, mêlé avec les expressions qu’il avoit très fidèlement tirées de Mme de Vendôme[1], formoit une langue qui auroit déparé le bon sens de Caton. Le sien étoit court et lourd, et d’autant plus qu’il étoit obscurci par la présomption. Il se croyoit habile, et c’est ce qui le faisoit paraître artificieux, parce que l’on connoissoit d’abord qu’il n’avoit pas assez d’esprit pour cette fin. Il étoit brave de sa personne et plus qu’il n’appartenoit à un fanfaron. » Ce portrait, tout chargé qu’il est, à la façon de ceux de Retz, est assez vrai ; mais au début de la régence, en 1643, les défauts du duc de Beaufort n’étaient pas aussi déclarés, et ils paraissaient moins que ses qualités. La reine ne perdit que peu ç peu son goût pour lui. Dans le commencement, elle lui avait proposé la place de grand-écuyer, vacante depuis la mort de Cinq-Mars, qui l’aurait chaque jour approché de sa personne[2]. Beaufort eut la folie de refuser cette place,
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