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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/1351

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cette affaire avaient déjà trempé dans plus d’une affaire semblable. Lui-même nous apprend qu’il avait blâmé le comte de Soissons de n’avoir pas frappé Richelieu à Amiens, et qu’avec La Rochepot, lui, abbé de Retz, avait formé le dessein de l’assassiner aux Tuileries pendant la cérémonie du baptême de Mademoiselle. La coadjutorerie de l’archevêché de Paris, que la régente venait de lui accorder, en considération de son père, l’avait adouci, il est vrai ; mais ses anciens complices, qui n’avaient pas été aussi bien traités que lui, étaient demeurés fidèles à leur cause, à leurs desseins, à leurs habitudes. Retz est-il sincère quand il refuse de croire qu’ils aient tenté contre Mazarin ce qu’il leur avait vu entreprendre, et ce qu’il avait lui-même entrepris contre Richelieu ? Dans sa haine aveugle, il rejette tout sur Mazarin : il prétend qu’il eut peur ou qu’il feignit d’avoir peur.

Écartons cette supposition, que Mazarin ait eu peur légèrement, ou qu’il ait feint d’avoir peur d’un simulacre de conspiration. Sur le courage de Mazarin, nous en appelons à La Rochefoucauld lui-même. « Au contraire du cardinal de Richelieu, qui avoit l’esprit hardi et le cœur timide, le cardinal Mazarin, dit-il, avoit plus de hardiesse dans le cœur que dans l’esprit. » Mazarin avait commencé par être militaire ; il avait donné plus d’une preuve d’intrépidité, particulièrement à Casal, où il se jeta entre deux années toutes prêtes à en venir aux mains. Sans doute il s’appliquait à conjurer les périls : mais quand il n’avait pu les prévenir, il savait y faire face avec fermeté. Mazarin n’était donc pas homme à prendre l’épouvante sur de vaines apparences, et d’un autre côté il n’avait pas besoin de feindre des alarmes imaginaires, car le danger était certain, et dans le progrès toujours croissant de son crédit auprès de la reine, quelle ressource, encore une fois, restait aux Importans, sinon l’entreprise qu’ils avaient autrefois tentée contre Richelieu, et qu’ils pouvaient aisément renouveler contre son successeur ? Mazarin n’avait pas encore de gardes, et il connaissait assez Mme de Chevreuse pour avoir pris fort au sérieux la proposition qu’elle avait faite dans les conciliabules de l’hôtel de Vendôme. Pesez bien cette considération nouvelle : dans ses carnets, Mazarin n’est pas sur un théâtre ; il n’écrit pas pour le public ; il montre ses sentimens vrais, et là on le voit, non pas intimidé, mais ému. Il se sent environné d’assassins, et il est convaincu que c’est Mme de Chevreuse qui les dirige. Il suit tous leurs mouvemens ; il recueille tous leurs propos ; il rassemble les moindres indices ; il compte et il nomme les chefs et les soldats.

Mais toute incertitude disparaît devant l’aveu plein et entier d’un des principaux conjurés, qui nous livre le plan et tous les détails de l’affaire dans des mémoires trop tard connus, mais dont l’authenticité ne peut être contestée ; nous voulons parler des précieux