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III.

LA VIE.

À Louise….


Un bel ange gardien penché vers son berceau,
Quand ses yeux étonnés s’ouvrirent à la vie,
Et que sa mère en pleurs la contemplait ravie,

Invisible, la prit sous le léger cerceau,
L’instruisant d’une voix mystérieuse et tendre,
Et l’ange au doux parler, l’enfant semblait l’entendre :

— « Au jardin de l’aïeule égayé du zéphir,
Où les jeunes oiseaux vont essayer leurs ailes,
Parmi les blancs jasmins enlacés aux tonnelles,
Fleur humaine, tu dois l’élever et fleurir.

Savoure le printemps !… Résignée à mûrir,
Amasse dans ton sein les graines maternelles ;
Enfin, pour refleurir aux sphères éternelles,
Lis d’or, cueilli par Dieu, sur son cœur viens mourir. »



IV.

LA SIRENE.

À l’amiral Laguerre.


Robert, ancien marin retiré dans les terres,
Vieillit entre sa bru, son fils et leurs enfans ;
Mais parfois un ennui ride ses traits austères,
Et seul, les bras croisés, il erre à travers champs.

Quel grain de mer lointain, quel souffle du rivage
Viennent troubler son front, mettre son âme en feu ?
Or, un matin, armé du bâton de voyage,
À sa jeune famille il dit un brusque adieu.

Les larges pantalons, la ceinture de laine,
La veste molle et chaude, il a tout revêtu ;
La bouteille d’osier pend, jusqu’au bouchon pleine,
Sur sa chemise bleue au collet rabattu.

Il baise des enfans la chevelure blonde
Et part, mais si léger, son regard est si doux !