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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/159

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serait-elle pas faite suivant cette méthode victorieuse? M. Ribera, j’en suis sûr, ne s’avisera jamais de cette malice innocente : le portrait du marquis d’Alcanices me prouve qu’il ne tient pas à terminer promptement ce qu’il a commencé, mais qu’il étudie longtemps son modèle avant de tracer les premiers contours au fusain, et qu’il ne plaint pas son temps quand il s’agit de mener son œuvre à bonne fin. J’entends dire par ses compatriotes qu’il ne descend pas de l’Espagnolet, dont le nom s’écrit tantôt Ribeira, tantôt Ribera. Quand on est peintre et qu’on porte un tel nom, on est obligé de le respecter, et je vois avec plaisir que M. Ribera ne l’a pas oublié.

Je dois appeler l’attention sur deux dessins de M. Hortigosa d’après Murillo : Saint Thomas faisant l’aumône et Saint Antoine de Padoue. Ce qui me frappe dans ces deux dessins, ce n’est pas l’habileté matérielle, quoique M. Hortigosa manie le crayon avec beaucoup d’adresse et de fermeté : c’est la finesse avec laquelle il a saisi la fidélité avec laquelle il a rendu le caractère du maître. Bien que les originaux d’après lesquels il a travaillé n’aient jamais paru en France, quiconque a vu les Murillo de la galerie du maréchal Soult, les deux Murillo que nous possédons au Louvre, et la Vierge du même auteur au palais Corsini, reconnaît sans peine que M. Hortigosa, en copiant deux compositions du maître le plus populaire de son pays, n’a rien épargné pour les transcrire littéralement, et qu’il a touché le but. Il est probable que ces deux dessins seront gravés : c’est du moins ce que j’entends dire par les amis de M. Hortigosa. Pour ma part, je serais bien aise de les voir reproduits par le burin, car les dessins destinés à la gravure manquent trop souvent de caractère. Les meilleurs tableaux, à moins de tomber dans les mains d’un Bolswert, d’un Henriquel Dupont ou d’un Calamatta, sont exposés en passant par le crayon aux plus périlleuses aventures. Il est bien rare qu’ils ne sortent. pas de cette épreuve quelque peu écloppés. Murillo a trouvé dans M. Hortigosa un interprète attentif et fidèle. Ces deux dessins ressemblent si peu aux trois quarts des œuvres envoyées à Paris par l’école espagnole, que je me demande avec étonnement comment M. Hortigosa a pu, en étudiant à Madrid, conserver une telle simplicité. Est-ce à M. Vicente Lopez, son maître particulier, que nous devons rapporter l’honneur de cette anomalie? Je ne sais : dans tous les cas, ce qui demeure avéré, c’est que M. Hortigosa, pas plus que M. Ribera, n’a rien de commun avec M. Madrazo.

Pourquoi M. Hortigosa n’a-t-il pas fait un tableau au lieu de copier deux compositions de Murillo? Je ne me charge pas de l’apprendre au public français. J’incline à penser pourtant qu’il est encore jeune, qu’il se défie de ses forces, et qu’il attend pour produire