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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/28

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de respecter le pavillon tricolore. En conséquence, le premier consul résolut d’entrer en négociation avec lui. Ne voulant pas cependant employer dans cette affaire un agent revêtu d’un caractère public, ce qui aurait pu donner l’éveil aux Anglais, il fit choix d’un Maltais intelligent, appelé Xavier Naudi, lequel avait partagé le sort de M. Beaussier et se trouvait en France avec lui. Cet agent se rendit secrètement à Tripoli, muni des pleins pouvoirs nécessaires, et signa, le 18 juin 1801 un traité de paix sur les bases de celui de 1729. Trois articles particuliers de ce traité assuraient aux Français la liberté de communication pour les personnes et les marchandises entre la régence et l’Egypte : c’était là le but que la France s’était proposé en négociant; mais l’évacuation de l’Egypte rendit ces stipulations superflues. La paix étant faite, le consul de France retourna à son poste, et tout alla le mieux du monde pendant quelque temps entre le pacha et lui. Néanmoins, après la rupture de la paix d’Amiens et nos désastres maritimes, les Anglais prirent une telle influence à Tripoli, que la position de notre représentant y devint fort triste. Les succès prodigieux que nous obtînmes sur terre pendant quelques années ne pouvaient compenser notre infériorité maritime auprès de gens habitués à mesurer surtout à ce dernier point de vue la puissance des européens. Il y a plus : ces mêmes succès étaient pour les Barbaresques une cause d’irritation contre nous, car l’adjonction de plusieurs petits états maritimes à l’empire français les privait des véritables tributs que, sous des noms plus ou moins déguisés, leur payaient jadis ces puissances pour la sûreté de leur commerce.

Le retour des Bourbons ne rendit pas d’abord à la France dans le monde musulman son ancienne prépondérance. Néanmoins on commença à tenir un peu plus compte d’elle à Tripoli lorsqu’on vit ses représentans, en 1819, agir sur le pied de l’égalité avec les Anglais pour signifier aux états barbaresques une décision du congrès d’Aix-la-Chapelle qui les concernait. Les Barbaresques, malgré l’expédition de lord Exmouth en 1816, continuaient à s’arroger le droit de courir sus aux navires des puissances avec lesquelles ils n’avaient pas de traités, et qui étaient la Toscane, les états romains, les villes anséatiques, la Prusse et enfin le Hanovre. Cet état de choses attira l’attention du congrès d’Aix-la-Chapelle, et les puissances européennes qui y étaient représentées convinrent d’interdire une fois pour toutes et de la manière la plus formelle aux Barbaresques d’armer contre les chrétiens. La France et l’Angleterre furent chargées d’exécuter cette décision. Ce fut conformément à cette mesure que le 8 octobre 1819 les escadres combinées, anglaise et française, commandées par MM. les vice-amiraux Freemaulte et Jurien de La Gravière, jetèrent l’ancre devant Tripoli pour intimer à Yousef-Pacha les