en haute mer. Les produits de cette pêche consistent surtout en soles, carrelets, plies, qu’on prend dans des filets de corde appelés tirasses, en hollandais sleepnetten, et qui s’ouvrent dans l’eau comme une fosse. One pêche a cessé sur cette côte, c’est la pêche à la ligne pour le cabillaud et le merlan. On jette ordinairement les filets pendant la nuit. Le poisson pris et rapporté dans les flibots est vendu à Scheveningen même. Le marché a lieu sur la grève : ces fruits de la mer, étendus sur le sable, sont achetés par des marchands du village. La vente se fait au moyen d’un papier qu’on donne pour se présenter chez l’armateur ; l’argent serait refusé ; c’est un mode d’échange trop lent sur la plage, qui offre alors une scène piquante et animée. Le poisson acheté par les marchands de Scheveningen, lesquels sont environ au nombre de cinquante, est conduit à La Haye dans de petites charrettes tirées par des chiens d’une mine assez farouche, mais aussi ardens à l’ouvrage et aussi fiers de leur office que les meilleurs coursiers. Le soir, les marchands, hommes ou femmes, occupent sur ces charrettes parmi les corbeilles la place que la vente du poisson a laissée libre, et regagnent ainsi leur demeure, traînés par leur humble attelage.
Un flibot qui se livre à la pêche du poisson frais depuis le 1er février jusqu’à la mi-août rapporte de 2,000 à 2,500 florins. Le bénéfice est distribué de la manière suivante : l’armateur prend d’abord 10 pour 100 du revenu brut ; ce qui reste est partagé ensuite entre le patron, l’armateur et les matelots. Le patron reçoit un quart de plus que les autres ; l’armateur reçoit autant que les hommes de l’équipage. En outre, chaque fois que le flibot arrive de la pêche du poisson frais, les petites soles, les pitermans sont pour les pêcheurs, qui les transmettent à leurs femmes[1]. Cette répartition est loin de satisfaire les matelots : en général ils détestent l’armateur, et quand l’occasion se présente de le tromper, ils n’y manquent pas. Fins sous leur ignorance et un peu menteurs sous une apparence grossière (car il faut mettre les ombres au portrait), hostiles envers quiconque n’est point de leur village et de leur profession, ils pratiquent volontiers la maxime du fabuliste : « Notre ennemi, c’est notre maître. » La fraude la plus commune à laquelle ils se livrent est de vendre en mer du poisson frais et de ne point tenir compte à l’armateur de ce bénéfice éventuel. Leur excuse est dans les dangers qu’ils courent et dans leur extrême pauvreté. Ce sont, il faut le dire, d’intrépides matelots. La mer n’a pas de colères qui les effraient. Quelquefois ils vont sur les côtes de l’Angleterre en une seule
- ↑ Les matelots d’un flibot dont on a bien voulu nous montrer les comptes ont reçu l’année dernière 158 florins et 2 cents. Ils ont eu pour cadeau (zood-visch) 33 florins 17 cents 1/2.