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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/321

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de 950, professent tous la religion réformée. À la voûte de l’église sont suspendus deux modèles d’anciens bateaux de pêche dont on se servait autrefois dans l’île. Ces monumens historiques de la navigation se trouvent bien placés dans un temple chrétien, au milieu des souvenirs d’une religion qui a commencé au bord de la mer, sur une barque de pêcheurs. L’école reçoit deux cents enfans des deux sexes, qui apprennent les élémens de l’histoire nationale, de la géographie et de l’arithmétique. L’instituteur est né dans l’île, il honore ses humbles fonctions par la bienveillance avec laquelle il sert de cicérone aux étrangers. Dans la principale rue de la capitale de Marken, on nous montra la maison du bourgmestre, qui ne se distingue d’ailleurs des autres maisons de bois que par un air d’aisance et de propreté. Autrefois la Bourgade-de-l’Église n’était point pavée : c’était Paris avant Philippe-Auguste. On jetait çà et là quelques planches durant l’hiver sur le sol bas et marécageux. Aujourd’hui l’état des voies s’est amélioré. Les habitans, depuis un temps immémorial, pratiquent d’une maison à l’autre un passage sur de petites chaussées. Cette organisation des chemins, ces tertres, ces petites maisons uniformes, tout cela donne aux bourgades de Marken l’air d’une cité de castors, ces premiers habitans de la Hollande, selon d’anciennes traditions d’histoire universelle, et qui ont aujourd’hui disparu devant les établissemens de l’homme.

L’intérieur des maisons mérite qu’on s’y arrête. Le plus souvent la même chambre sert tout à la fois de chambre à coucher, de cuisine et de magasin pour les outils de la pêche. Quelques maisons ont pourtant une seconde pièce séparée, — le salon, comme on dit ici, — dans laquelle on garde les meubles et les vêtemens ; mais c’est un luxe presque aristocratique. Les chambres, de plain-pied avec le sol, n’ont point de plafond ; elles communiquent par en haut avec le grenier, sur lequel s’élève à angle droit la toiture de tuile ou de chaume. Les maisons manquent également pour la plupart de cheminée. Devant la fenêtre principale s’élève une grande plaque entourée d’une rangée de briques ou de pierres. Contre cette plaque se trouve souciée dans le sol une pièce de fer contre laquelle on fait le feu. Une ouverture pratiquée dans le toit laisse passer la fumée, qui, avant de sortir, se répand dans le grenier, où elle sèche les filets. On ne cite qu’une trentaine de maisons qui aient une cheminée. Plusieurs fois dans l’année on nettoie l’intérieur, et on le couvre d’une craie blanche. Une table entourée de chaises très basses, un vieux bahut chargé de faïences et de jolies porcelaines de Chine, une horloge à pied, des seaux pour le lait dont les cercles de cuivre brillent comme de l’or, tout cela forme dans les habitations de l’île une alliance de faits qu’on trouve rarement chez les autres races, la propreté dans la pauvreté. Ce goût des chinoiseries, des vieux