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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/345

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Sans doute, lorsque l’homme en est réduit à trouver dans le pain sa nourriture exclusive, les substances particulières au son ou plus abondantes pour la plupart dans les parties corticales que dans les portions centrales du grain concourent à varier et à rendre plus complète l’alimentation. Dans ce cas aussi, le principe capable de fluidifier et de rendre plus digestible l’amidon est fort utile, car il facilite la digestion des matières amylacées nécessairement surabondantes. Ainsi donc, si l’homme était contraint de se nourrir principalement et presque exclusivement de pain, cet aliment devrait contenir le produit total ou brut de la mouture, c’est-à-dire la farine et le son, ou en d’autres termes le fruit intégral du froment ; mais telle n’est pas ou ne devrait pas être la situation normale de l’habitant d’un pays civilisé, même parmi les classes laborieuses. Là au contraire, le régime alimentaire, pour être fortifiant, agréable, et souvent même pour être économique, doit comprendre, outre le pain et ses analogues (pommes de terre, riz, maïs), des produits animaux, de la viande de boucherie et ses congénères (poissons, œufs, fromages).

Dans le premier cas, un ouvrier fort travailleur consommerait deux kilogrammes de pain par jour, et perdrait, en raison de sa nutrition incomplète ou d’une digestion plus pénible, une partie de ses forces effectives ; dans le second cas, réduisant à un kilogramme sa consommation de pain, y associant un tiers de kilo de viande, il rendrait sa nourriture plus complète et plus salubre ; il pourrait accomplir un travail plus productif et réaliser presque toujours ainsi une économie véritable. Des faits nombreux ne laissent aucun doute à cet égard. Les entrepreneurs anglais de travaux rudes et urgens ont acquis expérimentalement la certitude de la supériorité du second régime alimentaire, et parfois ils l’imposent à leurs ouvriers, lorsqu’une tâche excédant leur force ne pourrait, sans cela, être accomplie à temps. À plus forte raison, parmi les classes aisées de la population, n’est-on pas astreint à se nourrir de pain exclusivement. Dans ce cas, le plus général ou qui doit le devenir avec les progrès de l’industrie, on admettra sans peine qu’il y ait avantage à préparer le pain avec la farine débarrassée par la mouture des parties corticales du blé. Le goût, on pourrait presque dire l’instinct naturel des populations les dirige en ce sens, et il n’y a pas lieu de le regretter, car le son éliminé de l’alimentation des hommes va enrichir la ration des animaux herbivores ou omnivores, qui s’en montrent fort avides et le digèrent mieux que nous. Ils le transforment, par une assimilation facile, en produits, lait et viande, bien mieux appropriés aux facultés digestives de notre organisme et d’une saveur infiniment plus agréable.

C’est par suite d’une étude sérieuse, théorique et pratique, de cette question que les administrations de la guerre et de la marine en