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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/347

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lui-même de faire changer l’état des choses à cet égard et de débarrasser ainsi pour toujours les ouvriers boulangers des causes d’insalubrité qui les entourent. En effet, le jour où les consommateurs l’exigeront, le pétrissage de la pâte s’exécutera partout d’une manière parfaitement propre et salubre à l’aide des pétrins mécaniques, dont on voit à l’exposition dix modèles remarquables, et ainsi qu’il s’exécute déjà dans la vaste manutention des hospices, place Scipion, dans plus de deux cents boulangeries en France et dans vingt boulangeries particulières à Paris. Plusieurs fours, dont la plupart des inventeurs ont aussi envoyé des modèles à l’exposition, évitent aux ouvriers le service trop pénible des anciens fours.

Voici comment les choses se passent aujourd’hui dans les établissemens où les nouveaux ustensiles ne sont pas encore adoptés. La préparation et le renouvellement des levains, le délayage et le pétrissage de la pâte s’effectuent à force de bras ; le pétrissage surtout exige un travail qui excède l’emploi normal de la force de l’homme, à tel point que les geindres restent pendant toute la durée de l’opération à très peu près complètement nus, exposés à tous les inconvéniens, aux dangers même d’une brusque transition de température. À peine en effet ont-ils, durant quelques minutes, péniblement soulevé, puis rejeté avec force et une sorte de gémissement (d’où leur nom est dérivé) la masse de la pâte, que déjà la sueur les inonde et bientôt ruisselle jusque dans le pétrin, se mêlant à la pâte pendant tout le reste de la durée de l’opération. Ce mélange probablement est plus répugnant qu’insalubre pour les consommateurs ; on suppose du moins que la température du four détruit toute propriété délétère qu’aurait pu introduire dans la pâte la sueur du geindre, fût-il même atteint de quelque affection non apparente. J’avoue que sur ce point je ne serais pas entièrement rassuré, et je dois dire sur quels faits mes doutes se fondent. La température du four s’élève, il est vrai, jusqu’à 260 et même parfois 280 ou 290 degrés ; aussi la superficie des pains, exposée directement au rayonnement des parois, se trouve-t-elle chauffée à 200 ou 215 degrés, c’est-à-dire au point d’éprouver une sorte de caramélisation qui produit la couleur voulue, plus ou moins foncée, ainsi que la consistance de la croûte et la transformation partielle de l’amidon en dextrine soluble. Sans doute, dans l’étendue et la profondeur de la couche caramélisée, tout virus, germe, spore ou sporule, animal ou végétal, serait détruit ou perdrait ses propriétés septiques ou germinatives ; mais il n’en serait pas toujours ainsi dans l’intérieur des pains : j’ai constaté directement en effet que la mie se forme à une température qui n’excède pas 100 degrés durant la cuisson. Des expériences précises m’ont appris en outre que les spores microscopiques rougeâtres d’un champignon particulier, oïdium aurantiacum, — qui occasionna