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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/37

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Sidi-Mohammed, il s’enfuit à Mezurate, où il se donna la mort. Ainsi finit, au grand ébahissement des représentans de la France et de l’Angleterre, un état de choses dans lequel l’intervention turque, exercée comme elle le fut, était évidemment contraire aux intérêts de ces deux puissances, à ceux de la France surtout, à cause de l’Algérie.

La paix était rétablie entre la Méchiah et la ville, qu’une surprise venait de placer sous l’autorité des Turcs; mais au-delà de la banlieue de Tripoli, les Arabes, tout en protestant de leur respect pour le grand-seigneur, ne paraissaient nullement disposés à se rapprocher du gouverneur qu’il venait de leur envoyer. Abd-el-Djelil, content de l’indépendance de fait dont il jouissait depuis quatre ans, s’isola de plus en plus. L’aga de Mezurate écrivit une lettre respectueuse, et ne fit rien de plus. Gumma seul vint faire une visite au nouveau pacha; Sidi-Ibrahim l’accompagna et exprima le désir de vivre en simple particulier à Tripoli. Nedjib-Pacha lui accorda sa demande, et confirma même un autre Caramanli, Sidi-Othman, dans les fonctions de bey de Bengazi. Nedjib mit en même temps Mohammed-Bit-el-Mal à la tête de l’administration. Il avait grand besoin que cet homme, qui ne manquait pas d’habileté, lui créât quelques ressources locales. La Porte l’avait fait partir presque sans argent, de sorte qu’il n’avait pas tardé à être embarrassé pour la solde et l’entretien de ses troupes. Heureusement pour lui, le bey de Tunis, auprès duquel Chekir-Bey avait été envoyé en mission, lui fournit quelques secours en vivres et en argent.

A l’époque où commençaient les troubles qui amenèrent sa chute, le gouvernement tripolitain devait encore à la France plus de 100,000 francs. Depuis ce temps (1830), Yousef Caramanli et son fils Ali avaient contracté de nouvelles dettes envers plusieurs négocians français. Le consul de France eut grand soin de réclamer auprès de Nedjib-Pacha le remboursement de ces deux catégories de créances, en faisant observer que la première, ayant pour origine un traité diplomatique, ne souffrait pas de discussion. Les Anglais, de leur côté, réclamèrent avec beaucoup d’âpreté les 200,000 piastres fortes qu’ils avaient d’abord demandées à Yousef-Pacha. Nedjib-Pacha ne put que transmettre ces diverses réclamations à la Porte, qui s’aperçut que l’héritage des Caramanli ne serait pas tout bénéfice pour elle. Elle fut même un instant sur le point de le restituer à Sidi-Ali; mais enfin elle finit par se décider à persévérer dans la voie où elle s’était engagée.

Nedjib-Pacha fut remplacé, trois mois après son arrivée, par Méhémed-Raïf-Pacha, ancien gouverneur des Dardanelles. Le premier ordre de la Porte que celui-ci eut à faire exécuter fut l’envoi forcé à Constantinople de tous les Caramanli, à l’exception du vieux Yousef