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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/41

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dont Abd-el-Djelil s’était affranchi, ce dernier le refusa, et les négociations furent rompues. Abd-el-Djelil et Gumma réunirent alors leurs intérêts. Le premier s’empara de la petite ville de Taourgha, que les Turcs occupaient depuis quelque temps. Moins de deux mois cependant après ce succès, ces deux chefs firent avec Askar-Pacha, que la Porte venait de donner pour successeur à Hassan, un traité par lequel ils restaient l’un et l’autre en possession du territoire qui reconnaissait leur autorité, moyennant un tribut de 25,000 piastres fortes pour le premier et de 3,000 pour le second. C’étaient les conditions d’abord proposées par Hassan-Pacha, moins l’arriéré des contributions, auquel Askar renonça.

Cet arrangement ne fut pas de longue durée, car au moment de la récolte de 1839, lorsque les époques de paiement arrivèrent, les Arabes ne voulurent rien donner, et les hostilités recommencèrent avec des péripéties variées : les Turcs battirent Abd-el-Djelil à Miscolata, mais ils furent battus par Gumma dans le Gharian. La guerre se prolongea ainsi assez mollement le reste de l’année et l’année suivante. Enfin en 1841 Askar-Pacha, qui savait qu’on intriguait contre lui à Constantinople, secondé par un habile général, Ahmed-Pacha, déploya plus d’activité. Il occupa militairement Khoms, d’où il pouvait prendre à revers les montagnes de Takhouna et de Gharian, qui dominent les positions arabes. Des avantages marqués furent la conséquence de ce mouvement; tout le district de Takhouna fut bientôt soumis par Ahmed-Pacha. L’année suivante, de nouveaux succès furent obtenus. Depuis les coups frappés par Ahmed-Pacha, Abd-el-Djelil se tenait prudemment hors de son atteinte; mais le consul d’Angleterre lui ayant fait exprimer le désir d’avoir une entrevue avec lui sur un point du littoral, il y consentit dans l’espoir d’obtenir quelque appui du gouvernement britannique, et, abandonnant ses positions de l’intérieur, il vint camper au bord de la mer. Il y vit le consul, qui se contenta de le presser de mettre fin, autant qu’il dépendrait de lui, à la traite des noirs, en étalant à ses yeux tous les avantages qu’il pourrait retirer de la satisfaction de l’Angleterre, s’il s’engageait franchement dans cette voie. A peine cet agent eut-il quitté le malheureux Abd-el-Djelil, qui n’avait pas compris grand’ chose à ses exhortations, que le chef arabe fut surpris dans son camp par les Turcs, sous les ordres d’un intrépide officier, le miralaï Hassan-bel-Aziz[1]. Sa troupe fut taillée en pièces; il périt lui-même, et sa tête, envoyée à Tripoli, fut exposée à la porte du château.

La chute d’Abd-el-Djelil coïncida avec le rappel d’Askar-Pacha, qui

  1. Cet Hassan était un Arabe de Zaouiah, fort intelligent et très brave. On le nomma plus tard pacha du Fezzan. C’est le poste qu’il occupait lorsque je quittai le pays il y a deux ans.