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ditions du système de Rosas, confondit ses intérêts avec ceux de la majorité nationale dont il s’est séparé. Un grand avenir serait réservé à ce beau pays, si l’union se rétablissait sous les auspices d’une administration libérale et éclairée, dont les élémens existent dans les deux foyers de sa vie politique. Nous savons que c’est le rêve de plusieurs bons esprits tant à Buenos-Ayres qu’au Parana, et si des préjugés anciens ne s’en mêlaient pas, il devrait prochainement s’accomplir.

CH. DE MAZADE.



REVUE MUSICALE.




Ne craignons pas de le répéter : la musique a joué un bien triste rôle pendant les six mois qu’aura duré l’exposition universelle. Absente de ce grand bazar des produits de l’esprit humain à cause de la nature particulière de son objet, la musique n’a pas trouvé dans les théâtres qui lui sont exclusivement consacrés un dévouement plus éclairé. Devant cet immense concours d’étrangers, l’opéra n’a donné que deux ouvrages, les Vêpres siciliennes et le Prophète, oubliant qu’il était de son devoir de faire connaître tous les chefs-d’œuvre de son répertoire : Robert, les Huguenots, Moïse, le Comte Ory et Guillaume Tell, qu’on n’a pas représenté une seule fois ! À l’Opéra-Comique, on n’a pu entendre que l’Étoile du Nord et Jenny Bell, exécutés aussi médiocrement que possible. Il faut rendre cette justice à M. le directeur de l’Opéra-Comique, qu’il connaît les goûts de son public et qu’il sait s’y conformer en transformant trop souvent le théâtre de Grétry, de Boïeldieu, de Méhul et d’Hérold en une succursale du Gymnase ou du Vaudeville. Au moins le Théâtre-Lyrique a-t-il eu le bon esprit de fermer ses portes. Il n’est pas jusqu’à la Société des Concerts qui n’ait failli à ses devoirs. N’aurait-il pas été digne, en effet, du premier orchestre du monde de donner une douzaine de concerts où l’Américain du sud et du nord, l’Indien, le Chinois, le Turc, l’Arabe, les représentans de toutes les races du globe auraient pu se faire une idée des chefs-d’œuvre d’Haydn, de Mozart, de Beethoven, de Weber et de Mendelssohn ? Il est vrai que, pour nous consoler de tant de mécomptes, on nous a donné tout récemment à l’Opéra un ouvrage en trois actes, Sainte Claire, dont le sujet est tiré d’un épisode dramatique de l’histoire de Russie. S’il fallait s’en rapporter au bruit public, cet opéra, qui ne se recommande ni par l’intérêt de la fable, ni par le style de l’écrivain qui s’est efforcé de l’approprier à notre langue, serait dû, pour la partie musicale, aux loisirs d’un prince souverain de la confédération germanique ! Nous avons trop de respect pour les têtes couronnées en général pour admettre une telle supposition. Qu’un prince, et surtout un prince souverain, aime les arts, qu’il les protège et les cultive même dans l’intérieur de sa cour pour se distraire des soucis du pouvoir, rien de plus louable, et cela