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disposées sur le manteau de l’âtre. Aujourd’hui il n’en est plus ainsi; l’éducation du ver à soie est un art qui a ses règles, et où tout est prévu, depuis l’éclosion jusqu’aux dernières métamorphoses. Au lieu de chambres, on a de vastes établissemens qu’on appelle magnaneries, d’un nom emprunté au midi, et le ver lui-même est un magnan. Là, tout est soumis à des lois fixes, la qualité de l’air, le degré de température, la ventilation, le choix et la quantité des alimens, les mesures d’hygiène, l’espace assigné pendant les diverses mues, les dimensions des claies sur lesquelles on dispose les vers, et les distances qui doivent exister entre les claies. Jamais troupeau ne fut l’objet de soins plus attentifs, et pour aucun ces soins ne sont plus nécessaires. Le ver à soie est d’une complexion délicate; un rien l’affecte, l’état orageux de l’atmosphère, le bruit, les vapeurs d’une usine, l’humidité de la feuille; il y a chez lui des maladies connues comme la muscardine, d’autres qui le sont moins et qui mettent la science et l’observation en défaut. Telle est cette épidémie récente et encore mal appréciée qui provient, dit-on, de la dégénération des œufs. A force de se reproduire sans croisement, l’espèce serait menacée, et déjà les faits sont assez graves pour que les éleveurs aient pris l’alarme. Le monde savant s’en est ému, les empiriques s’en sont mêlés; il y a eu, comme toujours, des avis et des prescriptions contradictoires. Jusqu’ici, tout s’est borné là; point de procédé efficace, point de remède sûr, et le mal s’accroît visiblement. On dit pourtant qu’une femme, dont les produits tiennent un rang distingué à l’exposition, a trouvé les moyens de le conjurer, et que sa découverte est sous les yeux de la Société d’encouragement. Il faut dès lors espérer et attendre : la soie échappera peut-être au fléau qui frappe certains produits de la terre, comme la pomme de terre et le vin.

Le ver qui produit la meilleure qualité de soie est celui qui n’a que trois mues, et qui est nourri avec le mûrier blanc ou mûrier de Chine dans toutes ses variétés; encore le mûrier des plaines, venu sur des terres fortes et grasses, est-il inférieur comme aliment au mûrier des plateaux, qui croît dans un sol sec et léger. C’est là ce qui donne aux soies des Cévennes une supériorité incontestable et leur assure la préférence, même à des prix plus élevés. Il est telle marque, comme celle de M. Louis Blanchon, qui garde toujours de six à sept francs d’avance sur celles de ses concurrens, et qui doit cet avantage moins à des procédés de fabrication où il est possible d’égaler ce producteur qu’à des conditions locales et à un privilège de position. Une nourriture plus substantielle peut fournir des soies plus abondantes, comme cela se voit dans la Calabre, en Espagne et dans le Levant; mais l’abondance ne s’obtient qu’au détriment de la