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le choix des dessins et l’éclat des couleurs. A côté d’articles anciens et d’une vogue constante, comme les tissus pour robes et châles, Les baréges, les tarlatanes, figurent des détails tout nouveaux, comme ces franges rebouclées au tissage, ces tissus à double chaîne pour produire des façonnés à fond plus net et plus pur, les étoffes avec impressions en or, les bourses de soie tirées à poil, enfin les foulards avec effets de tissage et d’impression combinés. Bien des noms se présentent ici, et dans le nombre ceux de fabricans qui comptent d’anciens succès et savent s’en préparer de nouveaux.

Est-ce à dire que tout soit fait pour notre industrie des soieries, et qu’il ne lui reste plus qu’à s’endormir sur sa moisson de lauriers? Tel n’est point le sentiment qui y règne; telle n’est point l’opinion qu’on a d’elle. Si belles que soient ses destinées, elle a la conscience de destinées plus belles encore; elle y aspire, elle y tend. Le premier travail qu’elle ait à opérer sur elle-même, c’est la modification prudente de sa constitution intérieure. Aux avantages qu’elle possède et qui tiennent à son génie, il faut qu’elle ajoute ceux qui lui manquent et qui sont à sa disposition quand elle les poursuivra sérieusement. Si l’Angleterre ne peut lui ravir ni son goût, ni son art, ni le secret de ses teintures, où des savans comme M. Chevreul ont porté le flambeau de l’observation, elle peut emprunter à l’Angleterre l’emploi des métiers mécaniques et l’exploitation sur une grande échelle, qui sont les élémens du bon marché. Lyon en est encore à l’atelier domestique, à l’atelier de famille, et c’est là une organisation rudimentaire qui laisse l’ouvrier à la merci des intermittences du travail et de la fluctuation des commandes. La grande fabrique peut seule mettre un terme à cet état abusif; elle enchaîne le manufacturier et garantit mieux l’ouvrier du chômage, elle assure et élève le sort de l’un et de l’autre par l’extension des débouchés, qui accompagne une fabrication plus économique. Elle est dans la force des choses et dans les nécessités de la situation en présence des rivalités extérieures, qui, désarmées pour ce qui tient aux articles de prix, poursuivent une revanche dans les voies du rabais. Ce sera une révolution pacifique et plus féconde à coup sûr que les révolutions politiques ou sociales dont Lyon a été si souvent le théâtre et qui lui ont si peu profité.


LOUIS REYBAUD, de l’Institut.