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l’art, qui rivalise avec la nature, acclimatent des espèces nouvelles inconnues aux pays qu’elles vont désormais peupler et enrichir ; mais les conquêtes de l’être soi-disant indéfiniment perfectible nous offrent une confirmation frappante de cette vérité, que le monde n’est vieux que comparé à la courte durée de notre vie, et que dans la série des âges de la terre, relativement à la période astronomique et aux périodes géologiques, la période historique actuelle ne date que d’hier. En effet, si l’on considère combien peu de progrès les arts et surtout ceux de l’éclairage avaient faits avant le siècle actuel, il devient évident que le temps a manqué au genre humain pour aller plus avant. Il ne s’agit point ici de ces industries exceptionnelles qui ne s’adressent qu’au petit nombre et n’ont aucun des caractères qui rendent la lumière et le feu à peu près indispensables au genre humain. Ainsi de ce que les arts de l’éclairage avaient fait peu de progrès avant le XIXe siècle, on tire l’induction que ce XIXe siècle n’a été précédé que d’un petit nombre de dizaines de siècles.

La mythologie nous représente Cérès cherchant sa fille Proserpine à la lueur de deux plus enflammés ; mais rien ne nous signale l’époque où la combustion des matières grasses et des huiles a été substituée à celle des bois résineux. Ce fut un grand pas fait dans l’art de l’éclairage que l’invention de la mèche, c’est-à-dire de quelques filamens brûlant, sans se consumer, au milieu d’un réservoir de substance combustible qui fournit continuellement des alimens à la flamme illuminatrice. La scie et le compas, ces deux instrumens de l’industrie et de la science, sont attribués au neveu de Dédale, Perdix, qui fut changé, dit-on, en perdrix, sans perdre son nom, à une époque de l’antiquité assez peu reculée ; mais à qui devons-nous la mèche, cet appareil aussi simple qu’utile, et qui est un agent à la fois chimique et physique ? Pour égayer ce que cette phrase pourrait avoir de trop emphatique eu égard au peu d’importance d’une mèche, ελλυχνιον (elluchnion), je reproduirai un jeu de mots d’un de nos présidens de l’exposition universelle, orateur éloquent et homme d’état ; je dirai que l’inventeur de la mèche ne doit pas être traité légèrement, et qu’il mérite la reconnaissance de tous les hommes éclairés.

Nous ne savons pas non plus à qui rapporter l’invention de la mèche enveloppée de matière solide combustible comme dans les bougies, les cierges, les chandelles de suif et de résine. Ces dernières paraissent dater d’une haute antiquité. Virgile nous peint le laboureur rapportant de la ville un grand pain de résine destinée évidemment à l’éclairage, et dans bien des chaumières encore la cire et le suif sont remplacés par cette matière beaucoup moins chère, mais qui ne donne qu’une lueur bien faible accompagnée de