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C’est ici l’occasion de placer des remarques sérieuses sur le peu de contrôle exercé par l’autorité en ce qui touche la vente de la lumière artificielle. Je n’ai pas besoin de rappeler aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes que la ville de Paris aussi bien que Londres et New-York consomment pour plusieurs millions de cette denrée fournie par des becs de gaz. Les usines de Cincinnati distillent par an quatre ou cinq cent mille porcs, et le gaz qui en résulte perte le nom assez bizarre de lumière de porc, porklight. En France, au moment où j’écris, un kilogramme de bougie stéarique ordinaire coûte six fois plus qu’un kilogramme de pain, et ne représente en valeur vénale que la lumière qu’il peut donner. Si donc cette denrée, la lumière, ne se pèse pas, comment se fait-il que l’autorité n’exerce aucun contrôle sur la faculté éclairante des bougies mises en vente par le commerce, tandis que sur le pain et la viande, qui sont moins chers, elle déploie une vigilance si utile aux intérêts des consommateurs ? Il est évident que si deux kilogrammes de bougies de diverses fabriques éclairent inégalement et que l’une des bougies ait un éclat double de l’autre, il y a fraude de la moitié du prix total, c’est-à-dire de 1 fr. 50 c. sur 3 fr. Dans quel débit tolérerait-on une pareille iniquité ? J’en dis autant d’un bec de gaz fourni à la ville de Paris ou aux boutiques des marchands, si son illumination n’est que la moitié de ce qu’elle devrait être.

On sait que l’embarras provient de la difficulté qu’il y a d’avoir une mesure, une balance, un instrument pour constater l’éclat réel d’une lumière donnée. On a pris pour point de comparaison l’éclat de la pleine lune, et on a cherché à quelle distance d’un papier blanc il fallait placer une bougie pour qu’elle illuminât ce papier autant que la lune dans son plein. Il ne fallait pas songer à la lumière du soleil, qui est environ huit cent mille fois plus forte que celle de la lune, qui est trop éblouissante, et qu’il est très difficile de fractionner exactement à cause de l’excessive petitesse des trous par lesquels il faut la faire passer. En supposant la lumière de la pleine lune invariable, ce qui n’a pas lieu, on espérait se servir de la bougie comparée à l’éclat de la lune comme de terme de comparaison avec d’autres lumières tirées de matières grasses, de becs de gaz ou de l’étincelle électrique. Malheureusement la lumière de la lune est blanche, celle des bougies et du gaz est rougeâtre, et celle de la flamme électrique est d’un vert sensible : or l’œil ne peut comparer deux lumières de teintes diverses.

La nécessité, aujourd’hui indispensable, de mesurer la lumière que l’on achète à un si haut prix a reporté l’attention sur un appareil que j’avais construit il y a bien des années pour cet objet ; mais la difficulté d’avoir des bougies d’un éclat invariable pour servir de point