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Comme les Romains, nous avons de gracieuses statues porte-flambeaux, mais nous mettons dans leurs mains des lampes à courant d’air dont l’éclat ne pouvait même pas être soupçonné par les anciens. Homère ne voit rien de comparable à l’éclat du feu flambant clair,

Σελας ὠς πυρος αἰθομενσις

dans les signaux télégraphiques que Clytemnestre avait fait disposer le long de la côte pour être avertie de l’arrivée d’Agamemnon; c’était le feu, et non point les lampes ni les torches qui donnaient le signal. Il en était de même des signaux de feu au moyen desquels les souverains de Perse recevaient en peu d’heures des nouvelles des extrémités de leur vaste empire. C’étaient de vrais télégraphe de nuit dont la description fidèle, donnée par Aristote, ne permet pas de douter que les anciens n’aient connu et employé ces correspondances rapides dont on fait honneur ordinairement à la France et à l’inventeur Chappe. De toutes les sources de lumière adoptées de l’antiquité, la torche formée de filasse enveloppée de résine est certainement la plus éclatante ; mais elle n’a pas la grosseur d’un feu de bois, et on n’eut pas l’idée d’assembler plusieurs torches pour obtenir un foyer dont la portée lumineuse eût été très grande.

L’activité des esprits, qui dès le commencement de ce siècle se tournait vers les applications industrielles des agens physiques, mécaniques et chimiques, parvint à trouver dans la flamme du gaz hydrogène carboné une rivale à la flamme de l’huile dans la lampe à courant d’air. Une expérience connue des physiciens sous le nom de lampe philosophique consistait à brûler un petit jet de gaz hydrogène sortant d’un flacon dans lequel on versait de l’eau. Rien de faible comme cette petite lueur qui s’apercevait à peine dans un appartement éclairé par la lumière d’un jour sans soleil. On remarqua qu’un gaz carboné donnait une flamme bien plus vive que l’hydrogène pur. On reconnut que le charbon de terre chauffé en vases clos dégageait une quantité immense de gaz hydrogène carboné donnant une flamme très vive. Peu à peu on apprit à construire des réservoirs flottans assez grands pour contenir le gaz, et assez mobiles pour le chasser régulièrement dans des conduites souterraines. On trouva la forme la plus convenable pour le bec qui devait émettre le gaz à brûler, et on inventa des compteurs pour jauger la quantité de gaz qui sortait du réservoir ou qui entrait chez les consommateurs; enfin le résultat de tous ces perfectionnemens successifs fut une industrie immense, occupant les ouvriers par centaines et les capitaux par millions. La physique, la chimie et la mécanique, dont elle était tributaire, y trouvaient, d’utiles emplois de leurs théories et les perfectionnemens que l’observation des faits amène toujours à sa suite.