illuminaient en pure perte le ciel au-dessus d’eux, la terre au-dessous, la côte qui longeait le bord de la mer, et, vers la mer elle-même, les rayons, en se dispersant sur toute sa surface, allaient en s’affaiblissant rapidement et perdaient de leur portée. Fresnel entreprit de conduire tous les rayons en un seul faisceau dans une direction unique. Il abandonna les réflecteurs métalliques, sujets à se ternir et à se détruire par l’influence des brumes salées de la mer, soulevées par le vent après que les flots se sont brisés sur les écueils qui bordent le rivage. Les rayons qui allaient se perdre vers le ciel furent ramenés par des bandes de verre assemblées circulairement qui réfléchissaient tous ces rayons vers l’horizon. D’autres bandes, placées plus bas que la flamme, l’amenèrent de même vers l’horizon les rayons qui s’égaraient vers la terre; on obtint ainsi une masse de lumière horizontale qui, par une dérivation ultérieure, fut séparée en huit faisceaux dirigés vers les divers points de l’horizon. Ces faisceaux sont alors de la plus grande énergie, et leurs rayons concentrés atteignent aux limites de l’horizon, à moins que l’air, chargé de vapeurs, de brumes et de brouillards, ne soit impénétrable à la lumière. Alors aucun appareil optique ne peut vaincre cet obstacle insurmontable. Racine dit de Mithridate que
Ses heureux vaisseaux
N’eurent plus d’ennemis que les vents et les eaux;
il a oublié les brumes, qui, dans le voisinage de la terre, sont redoutables à l’égal des tempêtes. Les phares français de Fresnel réduisent à des cas bien rares ce danger si grand sur les côtes non éclairées. A l’heure où j’écris, les deux bords du canal qui sépare la
France de l’Angleterre sont illuminés par des phares comme une
rue de Paris l’est par ses becs de gaz, et les mille et mille vaisseaux
de la reine des mers, Londres, sont guidés au travers de tous les
dangers prévus. Des stations flottantes portent même des feux signalant les dangers d’une mer très peu profonde, et qui offre de
périlleux bas-fonds. C’est une œuvre admirable de science et d’industrie ou, si l’on veut, de civilisation, et la France a l’honneur
d’avoir, par Fresnel, donné ces guides sûrs aux navires qui sillonnent ces parages resserrés.
Nous venons de dire que huit faisceaux de lumière partaient, suivant huit directions, pour aller porter leurs feux à huit points de L’horizon maritime. Mais que deviendront les navires voyageant hors de ces huit lignes illuminées? Un mécanisme très simple lèvera cette difficulté : on fera tourner toute cette immense machine sur elle-même, et tous les points de l’horizon seront successivement atteints par les faisceaux lumineux mobiles. Huit fois pendant un tour de l’appareil sur lui-même, les matelots auront les yeux frappés par les