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Le bronze coûte plus cher que le laiton. On a donc commencé par substituer le laiton au bronze en mainte occasion. Plus tard, pour produire encore à meilleur marché ce qu’on est convenu d’appeler dans le commerce des bronzes d’art, ou a découvert ce qu’on nomme le métal artistique. La barbarie du terme s’accorde parfaitement avec la barbarie de l’invention. On a pris dans les usines de la Vieille-Montagne un métal à bas prix qui sert à couvrir les toits, et le zinc a détrôné le laiton. Si l’usurpation n’est pas encore complète, elle gagne chaque jour du terrain, et bientôt le cuivre passera parmi les métaux fabuleux, parce, qu’il coûte trop cher. On n’obtient par ce procédé que des œuvres très imparfaites, mais on a pour se consoler des bronzes d’art en métal artistique. Et d’ailleurs pour contenter notre génération, qui préfère l’apparence à la réalité toutes les fois que l’apparence peut s’obtenir à peu de frais, la galvanoplastie dépose sur le zinc une couche de cuivre qui reçoit ensuite la couleur du bronze. Au train dont marchent les choses, je ne désespère pas de voir un jour le Parthénon reproduit en carton pierre et de grandeur naturelle, connue on dit vulgairement.

En présence de la vanité qui encourage les ébénistes, les fondeurs et les orfèvres à persévérer dans la voie où ils sont entrés, nous aurions mauvaise grâce à les rendre seuls responsables de leurs fautes ; mais il est du moins utile de signaler les bévues auxquelles ils se laissent entraîner. Tant que les arts de luxe ne comprendront pas l’importance de l’unité du style, ou qu’ils continueront de produire comme s’ils l’ignoraient, le goût public se dépravera de plus en plus, et le bon sens prescrit d’avertir ceux qui regardent et ceux qui achètent. Je n’ai pas conçu la folle espérance de supprimer le poirier peint en noir qui s’appelle ébène, ni le métal artistique tiré des flancs de la Vieille-Montagne, pourtant je crois devoir dire ce que j’en pense. Parler franchement des bronzes, de l’ébénisterie et de l’orfèvrerie, c’est encore servir la cause des arts du dessin. C’est en prenant pour guides ces idées préliminaires que nous nous proposons d’examiner la dix-septième et la vingt-quatrième classe de l’exposition universelle.

Parmi les fabricans de bronzes de Paris, M. Barbedienne, je m’empresse de le reconnaître, est celui qui mérite la plus sérieuse attention. Les figures qui sortent de ses ateliers sont plus voisines de la vérité, plus voisines des originaux que les figures fondues par ses confrères. Cependant, en voyant les œuvres qu’il choisit pour l’exercice de son industrie, on peut se demander s’il témoigne à ces œuvres tous les égards qu’il leur doit. Quand il s’agit du Laocoon, du Moïse, du Penseur, du Jour et de la Nuit, figures allégoriques de la chapelle des Médicis, on a le droit de se montrer sévère. M. Barbedienne