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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/740

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d’une église, pour l’ornementation d’un buffet. Traiter ainsi Michel-Ange et Ghiberti, c’est vraiment leur manquer de respect.

Je n’exprimerai pas les mêmes regrets à l’égard de MM. Clesinger et Cavelier, car s’ils possèdent une certaine habileté, ils ne peuvent passer pour des maîtres. M. Barbedienne, en réduisant la Pénélope et le François Ier, ne s’exposait pas à de graves dangers. La Pénélope, dont l’effet principal repose sur l’ajustement des draperies, n’a pas perdu grand’chose en changeant d’interprète. Le bronze que nous avons sous les yeux en rappelle les principaux mérites. Le marbre vaut mieux sans doute, mais le bronze ne peut guère être accusé d’infidélité ; c’est un souvenir très satisfaisant de l’œuvre originale, si toutefois on doit donner ce nom à la Pénélope de M. Cavelier. Quant au François Ier de M. Clesinger, qui doit, je crois, remplacer dans la cour du Louvre la statue du duc d’Orléans, je crains fort qu’elle ne réunisse pas un plus grand nombre de suffrages que l’œuvre de M. Marochetti. Le héros de Marignan, le vaincu de Pavie, le prisonnier de Madrid, ici que nous le montre M. Clesinger, est plutôt une figure modelée d’après un écuyer du Cirque ou de l’Hippodrome qu’un portrait historique. Il y a dans son attitude, dans sa physionomie, quelque chose de théâtral qui ne s’accorde ni avec le témoignage de l’histoire, ni avec la dignité de la sculpture monumentale. Si François Ier aimait la pompe et la représentation, il était bon soldat et bon cavalier. Général inhabile, comme, il l’a prouvé à Pavie, il se battait bravement et se tenait bien en selle : or la figure modelée par M. Clesinger ne réalise pas l’idéal du parfait cavalier. Le cheval n’est pas un cheval de bataille, mais un cheval de parade. Le roi semble compter sur la docilité de sa monture, et fait le beau comme un virtuose de manège. Avec le portrait que nous possédons au Louvre, il me semble qu’on pouvait faire quelque chose de mieux. Il était facile, dans une statue colossale, de corriger l’expression luxurieuse par l’expression militaire. M. Clesinger ne parait pas y avoir pensé. Son François Ier est tout simplement un acteur de boulevard qui passe au trot sur les planches de la scène, pour recueillir les applaudissemens du parterre et des galeries. Malgré l’adresse déployée par l’auteur dans l’exécution du harnachement, j’ai peine à croire que cette statue produise un bon effet dans la cour du Louvre. Ce n’est pas là de la sculpture sérieuse. En face de Germain Pilon, de Jean Cousin, de Jean Goujon et de Jacques Sarrazin, il est à craindre que M. Clesinger n’excite pas l’admiration des connaisseurs.

Des amis complaisans, des flatteurs plus ou moins désintéressés, ont comparé M. Froment-Meurice à Benvenuto Cellini. Il y a dans cette comparaison une double méprise. Benvenuto faisait par lui-