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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/749

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architectes. Or l’ébénisterie et l’orfèvrerie du moyen âge relèvent directement de l’architecture comprise entre le Ve et le XVe siècles. L’époque la plus élégante et la plus ingénieuse est à coup sûr celle de la renaissance, et malheureusement la renaissance est aujourd’hui à peu près dédaignée. L’imitation des meubles et des bijoux dont les modèles étaient créés par Germain Pilon, par Jean Builant, par Jean Goujon, est une besogne trop dispendieuse pour les habitudes de notre temps ; la copie, fut-elle parfaite, trouverait difficilement à se placer. Sous Henri IV, sous Louis XIII, l’influence des doctrines de la renaissance se faisait encore sentir ; l’ébénisterie et l’orfèvrerie de ces deux règnes ne comptent plus aujourd’hui qu’un petit nombre d’adeptes : l’imitation est circonscrite entre les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI. On arrive aujourd’hui à copier très habilement les meubles de Boule, et dans ce genre le Palais de l’Industrie nous offre de vrais chefs-d’œuvre. Nous possédons des ouvriers qui découpent le cuivre et l’écaille avec une prodigieuse adressé ; mais la sculpture n’a pas grand’-chose à démêler avec les meubles de Boule. Dans ces ouvrages, d’ailleurs si élégans, la forme humaine n’est qu’un accessoire, et c’est une des raisons pour lesquelles ils demeurent si loin des ouvrages de la renaissance. Je n’ai pas besoin de caractériser le goût qui a présidé à toutes les œuvres d’orfèvrerie et d’ébénisterie du règne de Louis XV : c’est toujours et partout l’afféterie substituée à la simplicité, et pourtant ce goût déplorable compte aujourd’hui de nombreux admirateurs. Je pourrais citer plus d’un amateur qui se donne pour connaisseur, et qui réunit chez lui des meubles et des bijoux Louis XV, croyant de bonne foi protester contre les traditions académiques. Le goût Louis XVI, moins corrompu que le goût Louis XV, est pourtant loin de la simplicité. Ceux qui le préconisent, qui l’encouragent, s’imaginent néanmoins qu’ils reviennent au vrai sentiment de l’art. J’ai entendu citer à ce propos une sentence magistrale qui mérite d’être transmise à la postérité. Il s’agissait d’un meuble à choisir ; les avis se partageaient entre la renaissance et Louis XVI. — Je préfère le style Louis XVI, dit gravement un des interlocuteurs ; c’est l’antique moins la raideur. — Le mot est charmant et caractérise très bien l’érudition d’un grand nombre d’amateurs.

Il y a au musée de Naples une collection très nombreuse de bijoux antiques que nos orfèvres devraient consulter, et qui pourraient, avec les bijoux de la renaissance, contribuer puissamment à la réforme du goût public. Les anneaux, les bracelets, les colliers, les boucles d’oreilles, réunis aux Studj, sont tout à la fois simples et variés, c’est-à-dire qu’ils satisfont aux deux conditions de la beauté.