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ses complications, ses péripéties naîtront d’un amalgame facile à prévoir entre les deux séries de faits dont nous avons indiqué le début. Les tentatives séductrices de Vetranio, secondées par la complicité d’un ancien prêtre des faux dieux, qui s’est introduit à titre de coreligionnaire chez le crédule Numérien, amènent le départ d’Antonina, devenue suspecte à son père et honteusement chassée par lui dans un moment d’injuste méfiance. Sans asile et poursuivie par les agens du riche sénateur, il ne lui est pas permis de rester dans Rome, et elle en sort justement à l’heure où l’armée des Goths vient d’investir la ville. Un heureux hasard la sauve du déshonneur et du meurtre qui l’attendent aux avant-postes de l’ennemi ; elle tombe dans les mains d’Hermanric, dont la vengeance généreuse respecte sa jeunesse et sa beauté. Après quelques heures passées sous la tente du jeune chef, ils se séparent épris l’un de l’autre. Désormais Hermanric ne songera plus qu’à dérober cette victime aux sanguinaires ressentimens de la terrible Goisvintha, laquelle a extorqué de lui le serment de n’épargner, pour aucun motif, le premier captif romain que lui livrerait la fortune des armes. Le frère devient donc parjure envers la sœur, et la violation de sa promesse lui coûtera cher. Goisvintha découvrira bientôt la retraite isolée où le jeune capitaine a caché l’innocente enfant dont il veut sauver les jours. Elle les y surprend, par une nuit d’orage, livrés à l’enivrement de leur chaste amour, et, transportée de fureur, elle frappe Hermanric, qui, mutilé par elle, tombe ensuite sous les coups de quelques soldats huns envoyés par Alaric pour l’arrêter mort ou vif.

Du secret asile où elle a vu périr son vaillant protecteur, Antonina est ramenée dans Rome par une suite de hasards auxquels, si dramatiques qu’on les veuille reconnaître, il faut bien reprocher quelque invraisemblance. Là, rendue à son père, qui maintenant la sait innocente, elle partage l’horrible sort de la population romaine, affamée par le blocus des Goths. Les angoisses du besoin, la vue de son père près de mourir, la font un jour sortir de sa retraite. Une seule porte s’ouvre devant elle, c’est celle du palais de Vetranio, qui, réunissant autour de lui quelques convives, a résolu de finir sa vie, comme Sardanapale, au milieu d’une orgie funèbre. La vue inopinée d’Antonina, survenue au moment même où il allait incendier la salle du festin, le fait renoncer à ses projets insensés. Celle qui l’a ainsi sauvé de lui-même reste en butte à mille périls. Goisvintha s’est promis de ne pas épargner une vie qui lui a déjà coûté celle d’Hermanric. Elle entre dans Rome, déguisée, à la suite de l’ambassade qui est allée négocier la paix avec Alaric, et poursuit sa victime jusque dans un temple païen, où Numérien s’est réfugié avec la tremblante Antonina, sans savoir au juste quelle est cette femme mystérieuse sans cesse attachée à leurs pas. Or ce temple est justement