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les plus aisément accessibles. Le centre a encore des réserves, mais la difficulté des transports en rend l’exploitation à peu près impossible. La Russie possède un immense capital forestier, mais elle a aussi d’énormes besoins, surtout en bois de chauffage. La guerre suspend d’ailleurs tous les arrivages de ce côté, et c’est ce qui a le plus frappé les habitans des colonies anglaises ; ils ont voulu saisir l’occasion en offrant à l’Europe leurs ressources inexploitées. Leur but a été atteint a souhait ; les hommes spéciaux eux-mêmes ne se doutaient pas du nombre et de la beauté de ces essences exotiques, dont quelques-unes n’avaient pas de nom dans la science. Il n’y manquait que l’indication des prix de vente et de transport, c’est l’affaire du commerce, qui saura bien apprendre ce qu’il aura besoin de savoir.

Parmi les besoins de l’Europe, le plus pressant est celui des bois de marine. Pour construire la coque de ces bâtimens qui doivent résister au choc des ouragans et des vagues, et en particulier ces vaisseaux de guerre qui portent dans leurs flancs des milliers d’hommes et vomissent des tonnerres d’artillerie, il faut des matières d’élite qui mettent des siècles à se former. La quantité n’en est pas considérable, car avec 50,000 mètres cubes de bois équarri par an, ce qui en suppose le double en grume, on peut, dit-on, pourvoir aux besoins actuels de notre marine militaire, et avec 50,000, à ceux de notre marine marchande. L’Angleterre en emploie nécessairement beaucoup plus, puisque sa marine est cinq fois plus considérable que la nôtre. Pour se procurer cet approvisionnement, il faut explorer le monde entier, et on ne trouve pas toujours ce qu’on cherche. Le prix du bois de marine monte sans cesse, soit en Angleterre, soit en France. Dans ce moment surtout, où le service de la guerre use rapidement les vaisseaux de toute espèce, on a la plus grande peine à entretenir les chantiers. Le gouvernement français vient de prendre, sous la pression des circonstances, une décision qui prouve l’intensité des besoins ; il a autorisé, par un décret récent, l’achat pur et simple de navires construits à l’étranger, moyennant un droit de dix pour cent, ainsi que l’introduction en franchise de droits de tous les objets qui servent aux constructions navales. Cette mesure, excellente en soi, était devenue nécessaire. Le même régime existe depuis longtemps en Angleterre, où il serait absolument impossible, s’il en était autrement, de pourvoir aux besoins de la navigation nationale.

On se souvient qu’un des derniers actes du gouvernement royal a été le vote d’une somme de 100 millions pour approvisionner nos arsenaux maritimes. Cette belle dotation a rendu possibles les armemens extraordinaires qui ont eu lieu depuis quelque temps,