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peut produire de fibres textiles, la machine pour les extraire est, dit-on, trouvée, et l’exploitation en grand va commencer. Depuis sa rupture avec la Russie, l’Angleterre, qui en retirait tous les ans 25 millions de kilogrammes de chanvre, s’est préoccupée justement des moyens de les remplacer. La Guyane n’est pas la seule contrée qui lui offre des équivalens ; dans toutes ses colonies, notamment dans l’Inde, on prépare maintenant des fibres extraites de plusieurs sortes de bois, qui font, dit-on, des cordages plus forts que les meilleurs chanvres de Russie. Des échantillons de ces fibres abondaient à l’exposition. L’ancien directeur du jardin botanique de la compagnie des Indes, M. Royle, a écrit sur ce sujet un livre fort curieux, qui semble tout à fait démonstratif ; même sur ce terrain, la Russie est battue. Nous aussi, nous commençons à faire venir des matières textiles de l’Inde ; nous en avons acheté en 1854 pour près de 3 millions.

La collection des bois de l’Australie était magnifique dans toute la force du mot. On n’a rien épargné pour appeler l’attention sur elle, même les singularités. On sait combien l’Australie diffère du reste du monde, tant pour ses végétaux que pour ses animaux ; ses bois en fournissent de nouvelles preuves. « Parmi les arbres extraordinaires, dit le catalogue spécial, on peut citer l’ortie géante, arbre commun des massifs qui atteint, quelquefois des proportions énormes ; le tronc des plus gros excède 40 pieds de circonférence à quatre pieds du sol. Les feuilles ont souvent de 12 à 15 pouces de diamètre, leurs épines sont formidables. Mais pour la bizarrerie des formes comme pour la stature, l’ortie doit céder la place aux figuiers géans ; les plus gros ont de 86 à 87 pieds de tour. Une graine est déposée par les oiseaux sur les plus hautes branches d’un arbre ; elle y naît et y plonge peu à peu ses racines ; dès que celles-ci parviennent au sol, elles s’y enfoncent et embrassent graduellement le tronc jusqu’à ce qu’il disparaisse sous leur étreinte et devienne le centre d’une énorme colonne cannelée, de forme irrégulière, supportée par des arcs-boutans, tandis que la tête, en forme de coupole, domine tous les arbres environnans. »

Il est assez facile de reconnaître dans cette description l’analogue du fameux figuier des Banians, si bien décrit par Bernardin de Saint-Pierre dans la Chaumière indienne, et qui était connu des anciens, car Quinte-Curce en parle. L’exemple est venu à l’appui du récit, tout le monde a pu voir à l’exposition un tronc d’arbre étouffé par un véritable serpent de bois qui l’entourait de ses replis. Cette monstruosité végétale n’était qu’un accessoire ; l’Australie a d’autres bois, et en abondance, puisqu’il n’y avait pas moins de 250 variétés. La plupart peuvent s’employer à la fois dans la marine, la